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Pasolini crée le soldat idéalisé.
On dit que la bourgeoisie par sa violence créera ses propres ennemis.
Cet ennemi, normalement nous sommes des milliards, il est ici personnifié, idéalisé dans un corps extrêmement séduisant et en dehors de toute domination économique.

Pasolini, dans son livre, reste très surréaliste dans son appréhension des événements mais pas dans les rapports que les bourgeois vont entretenir avec cet être unique contre lequel ils ne peuvent rien. Leur ennui les rend mous, impropres à une activité sinon une pensée dégénérée. C'est l'histoire de leur perte avant l'heure, au travers de cette synecdocque (comme dans le huis-clos Salo).

C'est cette histoire-là, à un détail près. Celui du personnage de la bonne.
L'on m'a dit : Mais non, c'est un film sur la foi.

Je laisse les obscénités mystiques à d'autres. Pour moi, ce qui va être intéressant, c'est l'élévation de la bonne. Son rang social est approprié à la béatification, car il est à la fois ouvrier mais aussi il est le témoin le plus direct, le plus immédiat des familles bourgeoises. Il est le réceptacle le plus proche, en première ligne sur le front de lutte.
Le personnage de la bonne est toujours intéressant dans les films.
Dans la Cérémonie de Chabrol ou dans Les Abysses de Papatakis, elle(s) tue(nt) les patrons et futurs patrons.
Tandis qu'elle se suicide dans Salo.
Et dans d'autres films, elle doit beaucoup niquer pour oublier sa soumission professionnelle et pour satisfaire les turpitudes de ses employeurs (comme dans la Soubrette, des Studios Marc Dorcel ; mais aussi Soubrettes Services, la saga des 23 Soubrette et Soumise du Q, Soubrettes sodomisées 3D et Naughty Maids, autrement intitulé Soubrettes Academy)

Pour moi, ce qui va être intéressant n'est pas tellement la foi mais le rang social où la Transcendance choisit de s'exprimer, comme si elle était une personne à part entière et que, en cette qualité, elle pouvait choisir qui elle pourrait "gracier" (parce qu'il faut bien qu'elle touche notre monde quelque part).
J'ai tendance à penser que, dans les films de Pasolini, ce sont les personnages qui sont tiraillés entre la souffrance individuelle (sans doute, de voir se dérouler une tragédie sous leurs yeux) et leur passivité. Tragique, parce que passif et seul. Du coup, dans cette dialectique, il me semble que la seule issue pour la bonne de maison soit l'image du martyr.
Mais, encore une fois, c'est le rang qui est essentiel d'observer plutôt que la bête apparition de la foi. Si Pasolini a choisi le christ, à la fois fils de charpentier et "devin", pour représenter la foi, ce n'est pas un hasard de la Sainte Trinité.

En fait, le film a les qualités et les défauts de l'idéalisme mais ne se délimite jamais. Il sait chercher ailleurs, de même que le cinéaste as su trouver ailleurs des armes insidieuses contre la bourgeoisie - des armes de côté. Chaque trajectoire des protagonistes est un pan de l'histoire de la bourgeoisie, histoire qui aboutira nécessairement à la perversion de tout ce qu'elle prend pour acquis.

Reste à savoir à quoi donnera naissance cette perversion au sein du peuple, à présent... Car, forcément, il y aura des retombées, non du fait de notre conscience et de nos petites idées mais du fait des intérêts historiques de la domination bourgeoise. Il ne faut pas oublier, non plus, que la majorité, si elle a dans l'idée de lutter pour sa survie, crée elle aussi ses propres ennemis.
Andy-Capet
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le 27 févr. 2014

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le 1 mars 2014

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Andy Capet

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