Contrairement à ce que laisserait entendre son titre, ce Thor nouveau cru constitue à ce jour le film le plus con issu du MCU, cette grosse machine boursouflée, issue tout droit du Niflheim.
Que les plus pointilleux des érudits en mythologie nordique ou les lecteurs avertis des publications Marvel se mettent directement à leur aise : l'objet filmique n'a que peu de liens avec la fin des mondes et son adaptation déjà très libre en comicbooks.
À la croisée des chemins entre le comic book original, Unworthy Thor et Planet Hulk, Ragnarok se concentre avant tout sur l'évolution de ses personnages phares, qui, jusqu'à présent, ont bien plus brillé au sein des films choraux que dans les deux précédents films consacrés au blond asgardien.
C'était inespéré, mais à ma grande surprise ça fonctionne.
Pas de foin shakesperien à la Branagh, pas de mauvaise fantasy façon Le Monde des Tenèbres, juste un décalage bienvenu et réussi qui, ô surprise, parvient à ne jamais désamorcer les enjeux ni la gravité des événements. Sous couvert d'une ambiance 70-80s débridée (l'emploi d'Immigrant Song de Led Zep' était tout trouvé), Thor et ses comparses distribuent les mandales et les punchlines par semi-remorque, sans que cela n'entrave le développement du protagoniste principal ou des seconds couteaux, grâce à un rythme qui, alléluia, ne confond pas rythme et précipitation.
L'orientation légèrement plus space opera permet de garantir une sacrée bouffée d'air frais en s'écartant de plus en plus du royaume des dieux, terrain de jeu un peu fadasse.
Cet exil forcé, Ragnarok en tire partie de la plus belle des façons avec une profusion de couleurs et une galerie de personnage grand guignolesques qui permettent de revitaliser un dieu de la foudre au plus haut de sa forme. L'esthétique chamarrée, parfois néon, et sa B.O. au diapason, à grand renfort de nappes de synthé volontairement kitchouille, donnent une identité au film qui dépasse le simple gimmick et imprime davantage la volonté de l'auteur à s'enfoncer dans le décalage, pour le bonheur de nos yeux et de nos tympans.
Sur le plan esthétique, je ne reprocherai à Ragnarok que l'emploi d'une doublure numérique légèrement évidente pour Cate Blanchet dans certaines scènes où un doubleur "physique" aurait peut-être suffit. Pour le reste, je salue le très beau boulot accompli : les bastons ont un chouette impact, les plans restent toujours lisibles (petit clin d’œil aux frères Russo et votre shaky cam de merde), ce qui ne se fait jamais au détriment d'une certaine esthétique. Même privé de son jouet, Thor imprime la pellicule par sa combativité et ses capacités divines : miam.
Très friand de la direction qu'a adopté le Marvel-éditeur avec l'introduction de Jason Aaron au scénario de la série publiée depuis 2012, je ne peux que saluer cette relecture à contre-pied de ce qu'incarne Thor dans le paysage des comicbooks. Plus qu'une adaptation maigrichonne, Thor Ragnarok s'émancipe de son matériau d'origine, au risque de faire grincer quelques dents de pisse-vinaigres, mais si c'est le prix à payer pour retrouver l'envie d'aller voir les productions du MCU au cinéma, je signe sans problème. Une franche réussite.