Qu’on ose encore nous dire que le cinéma est en sourdine ou en apnée jusqu’à la sortie de Tenet, le 26 août !
Felicità il y a deux semaines, Tijuana Bible cette semaine : la programmation de l’été regorge de vrais propositions de cinéma et de petites pépites à découvrir sur grand écran.


Après La BM du Seigneur en 2011 et Mange tes morts il y a 6 ans, Jean-Charles Hue nous présente en ce milieu d'été son nouveau long, Tijuana Bible. Durant ce laps de temps, le bonhomme n’avait pas arrêté de tourner pour autant, puisqu’il avait présenté en 2017 à la Quinzaine des Réalisateurs le court métrage documentaire Tijuana Tales, qui suivait le parcours d’une prostituée de la Zona Norte.


C’est que Tijuana, Jean-Charles, il connait. Depuis 13 ans, il fait régulièrement dans cette ville nord-mexicaine, coincée au pied du mur de la frontière américaine et bordant le Pacifique, de longs voyages de plusieurs mois. Il s’y est lié d’amitié avec la faune locale – dont une importante partie de prostituées et drogués en tous genres – et a progressivement obtenu le droit de filmer dans certains quartiers chauds de la ville, contrôlés par le narcotrafic.


C’est cette ambiance que l’on retrouve dans Tijuana Bible. Une histoire fictionnelle, mais aux accents documentaires prononcés. Ici, hormis les trois personnages principaux (Nick, Ana et Topo le chef du gang), les rôles sont joués par des acteurs non-professionnels rencontrés sur place. Les trafiquants sont de vrais Narcos, les prostituées de vraies travailleuses… Plusieurs ont d’ailleurs été assassinés entre la fin du tournage et la sortie du film en salle.


Lors de la rencontre avec le réalisateur, au Méliès de Montreuil le jour de la sortie, ce dernier racontait par exemple de façon touchante


comment la prostituée qui réveille Nick à la fin du film grâce à de la fumée de cannabis, alors que celui-ci est à l’arctique de la mort, n’avait pas conscience qu’il s’agissait de jouer la comédie : elle croyait véritablement ramener le personnage à la vie sous les yeux de la caméra !


Côté scénario, nous suivons Nick, ex US Marine vétéran des guerres d’Irak, camé échoué au paradis de la drogue qu’est la Zona Norte de Tijuana. Il y fait la rencontre d’Ana, une jeune mexicaine qui est à la recherche de son frère, ancien Marine également et devenu Pasteur, qui a disparu depuis plusieurs semaines. L’enquête sur la disparition du frère les conduit inévitablement au Canal, repère des gangs de narcotrafiquants.


Trois faits marquants rendent notamment Tijuana Bible incontournable pour tout cinéphile.
Le premier est le jeu d’acteur incroyable de Paul Anderson (vu notamment dans la série Peaky Blinders, et prochain méchant marvelois). D’une maigreur à pâlir, il est véritablement habité par son personnage, sa performance est tout bonnement impressionnante.


Le second est la richesse de la mise en scène. Certaines séquences marquent durablement les esprits. Pour ma part, de toutes les trouvailles de réalisation, je retiendrai cette très belle séquence d’approche du camp de réinsertion où Nick et Ana marchent sur un sol désertique jonché de milliers de petits débris de miroirs qui brillent au soleil.
Le second moment qui fait sensation notamment auprès de la presse cinématographique est celui de la « caméra obscura » lorsque Nick, défoncé par la drogue, aperçoit sur le mur l’image inversée d’Ana grâce à la lumière filtrant par un trou du rideau. Un vrai moment de grâce et un très bel hommage au cinéma !


Enfin, je me devais de mentionner la magnifique BO composée par Thierry Malet, tour à tour discrète ou épique (un morceau m'a notamment fait pensé à du Hans Zimmer). Un petit régal.


Vous l’aurez compris, Tijuana Bible est une vraie proposition de cinéma, qui surprend son spectateur par la richesse de sa mise en scène, à la fois documentaire et poétique, en le plongeant dans les bas-fonds de la Zona Norte, du mauvais côté du Mur.


Un film à voir absolument et à soutenir : ces derniers temps le cinéma en a bien besoin !

D-Styx
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le 31 juil. 2020

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D. Styx

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