L’oeuvre de James Cameron sortie en 1997 a souvent été réduit au stade d’un simple Blockbuster à l’eau de rose, un film qui déchaine les passions des adolescents mais il n’en est rien, du moins pas totalement. Ce film raconte avant tout la funeste histoire, devenue presque un mythe au fil du temps, de l’illustre Titanic. Ce paquebot était réputé comme le plus grand, le plus luxueux, le plus mirobolant jamais conçu pour l’époque mais si il est resté gravé dans l’histoire, c’est essentiellement parce qu’il était considéré comme insubmersible paradoxalement à sa tragique destinée. Cette construction pharamineuse partit le 10 avril 1912 pour son voyage inaugural, un voyage dont il ne revint jamais. Mais cette histoire là, vous la connaissez sans doute tous très bien.
La question que nous pouvons nous poser est quelle est la valeur ajoutée apportée par Cameron ? Bien que les jeunes générations ne connaissent sans doute que ce film, des tas d’autres réalisateurs se sont intéressés à cette histoire par le passé, il n’était donc pas pertinent de simplement raconter encore une fois cette histoire dont chacun connait l’issue ténébreuse.
Ce qui fut particulièrement intelligent dans ce scénario est le fait d’avoir intégré une fiction dans une réalité déjà bien connue. À mon sens, cela va plus loin car il ne s’agit pas d’avoir simplement inmplanté une histoire imaginaire au coeur d’une époque comme cela peut être le cas assez régulièrement avec des ères devenues légendaires tel l’Égypte Antique, l’Empire romain ou le Moyen-Age par exemple. Non. Il s’agit cette fois ci d’un évènement bien précis dans un espace confiné (le bateau) où l’évènement en lui même est déjà un récit saisissant.
Ce film ne raconte pas seulement le naufrage de ce paquebot mythique et la romance tourmentée de ces deux tourtereaux mais nous fait également voyager dans un monde où les classes sociales étaient le ciment de la société. Jack et Rose ne sont que des allégories de leur milieu.
Jack est un jeune homme pauvre, rêveur du « nouveau monde », symbole pour lui d’un nouveau départ, il ne connait rien aux bonnes manières et s’en fiche éperdument, il veut vivre sa vie au jour le jour. « Chaque jour compte » dit-il lors d’un diner en première classe, une phrase ayant une résonance toute particulière dans ce milieu si conservateur et protocolaire. Il a d’ailleurs embarqué sur le Titanic cinq petites minutes seulement avant le départ en gagnant au poker, encore une fois le poker n’est pas choisi de manière aléatoire, c’est un jeu hasardeux tout autant que son existence. Sa vie n’est pas programmée ni truffée de règles à respecter comme celle de Rose, son âme soeur évoluant dans un monde paradoxalement parallèle au sien.
Rose est une jeune femme dont la vie est toute tracée, elle se voit obligée de se diriger vers un mariage de convenance destiné à sauver sa famille de la ruine. Cette dernière n’a pas son mot à dire et chaque journée est organisée, orchestrée, encadrée de son lever jusqu’à l’extinction des feux au moment du coucher. Elle étouffe et c’est cette prise de conscience que nous allons suivre : l’émancipation de cette femme se sentant emprisonnée, étouffée dans son milieu bourgeois et dans une époque ultra patriarcale où chacune devait se résoudre à écouter son mari et taire ses opinions profondes.
Jack lui fait alors voir la vie d’une autre couleur. La scène que nous avons en tête lorsque nous évoquons ce film est bien souvent le premier baiser qu’ils échangent sur la proue du bateau, mimant de voler avec l’océan à perte de vue devant eux, un moment devenue culte. Encore une fois, cet instant a souvent été réduit à une vision américanisée et niaise de l’amour mais il s’agit de bien plus que ça. C’est une métaphore de l’envol de Rose vers une nouvelle vie dont elle sera la principale décisionnaire et cet immensité bleue symbolise le champ infini des possibles qui s’offre à elle.
Au fur et à mesure du film, Rose se dirige de plus en plus vers la transgression de ces règles qu’elle a toujours du scrupuleusement respecter. Cela commence doucement quand Jack lui apprend à cracher, inimaginable pour les personnes « distinguées » de sa caste. À ce moment, on ressent alors dans ses yeux que sa décision est prise et qu’elle veut prendre son avenir en main.
Cette transgression sera mis en exergue par sa propension à désobéir pour aller sauver son dulcinée lorsque celui ci est menotté et également lorsqu’elle sautera du canot de sauvetage pour retourner sur le paquebot, se condamnant elle même pour le retrouver et n’épargner aucun moment, pas même une minute ensemble. À ce moment, elle décide de vivre au jour le jour, tout comme lui. Peu importe l’avis de sa famille qui était toujours passé au dessus de tout jusqu’alors.
Un élément également très important réside dans le collier que son présumé futur mari Hockley lui offre, un collier apparemment porté par Louis XVI et appelé « le coeur de l’océan ». Rose a gardé ce collier toute sa vie, un collier dont la dénomination n’est pas choisie au hasard. Bien qu’il lui ait été offert par un homme qu’elle abhorrait, elle l’a gardé pour une toute autre raison : Jack. Parce que Jack est partie de ce monde en rejoignant les profondeurs de l’océan et en se sacrifiant pour elle, en lui donnant son coeur. Mais lorsqu’il a quitté ce monde, il a aussi emporté le sien au fond de l’océan. Lorsqu’à la fin du film elle jette ce collier dans les profondeurs, c’est le symbole qu’elle part le rejoindre.
Avant de mourir dans les eaux glacées du pacifique nord, il lui fit promettre de tenir bon, qu’elle mourrait « vieille et bien au chaud dans son lit « et alors qu’elle jette le médaillon dans la mer, elle retourne dans son lit et y rend son dernier souffle parce qu’elle est prête à le rejoindre après avoir raconté son histoire et passé le flambeau de sa mémoire. Rose ne voulait pas qu’on oublie Jack, elle a gardé son souvenir en elle toute sa vie jusqu’au jour où ils pourraient enfin se retrouver dans une autre réalité.