Initialement très curieux de découvrir ce long-métrage (le premier de sa réalisatrice), je me suis trouvé désarçonné par certains de ses choix narratifs tout en étant charmé par les qualités qui s'en dégagent. Agustina San Martin signe une belle histoire hors du temps, à la lisière d’une forêt à la frontière du Brésil. Une sœur en quête de son frère vient vivre chez sa tante qui tient une pension en pleine cambrousse. La jeune fille s'éveille peu à peu à sa sexualité en s'éprenant d'une des locataires de l’établissement.

Dès les premières minutes, on pressent que la quête ne sera pas telle qu'on l’escomptait, que la personne que l'on recherche n’est probablement pas celle qu’on imaginait. L'intrigue s’évapore peu à peu, perdant son but au fil des rencontres et des errances de l'héroïne incarnée par Tamara Rocca, parfaite inconnue du grand écran. Ancienne ballerine dénichée au hasard d'un casting, la comédienne impressionne par son intensité et sa prestance lumineuse dans un premier rôle qui pose une large part du projet sur ses épaules pourtant novices. Le reste est soutenu par une photographie de toute beauté qui suffit le plus souvent à renflouer un récit qui refuse de se livrer trop directement, quitte à sacrifier son potentiel onirique. La présence du surnaturel est finalement bien plus vague que la conscience de ce que cet élément surnaturel pourrait réellement symboliser. On ressent instinctivement de quoi il s’agit sans pour autant pouvoir confirmer son existence à aucun instant. La démarche serait à classer non loin des Bêtes du Sud Sauvage de Benh Zeitlin ou de La Légende du Roi Crabe, sorti au début de l’année dans nos contrées. Pareille à la maison de la tante à l’orée de la forêt, vision qui convoquerait pourtant tout un folklore de contes, la mise en scène demeure fermement à l’orée du songe sans jamais en livrer la vision véritable, et le monde fantastique qui nous est communiqué est avant tout celui d’une intériorité. Ce parti-pris frustrera forcément certaines attentes confortées par l’affiche du film et sa bande-annonce, quand bien même l’élégance de la mise en scène n’a de cesse de contenter le spectateur avide de beauté éthérée. Une lumière douce irradie les cadres fixes à travers les brumes de la jungle, gorgeant le récit d’une torpeur sensuelle qui laissera pas totalement indifférent pour peu que l’on se soumette à son rythme très diffus.

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le 18 juil. 2022

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Orpheus Jay

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