Déliquescence d'une famille japonaise.

Croyez-le ou non, mais Tokyo Sonata est le premier film de Kiyoshi Kurosawa que je découvre. Le jeu très outrancier des acteurs japonais me freine pas mal dans la découverte de leur cinéma contemporain, et je me suis laissé tenter par celui-ci, parait-il le plus accessible pour qui ne connait pas le réalisateur.


Ce film part d'une terrible réalité, qui a commencé avec la crise économique de 2008 ; un père de famille, cadre, se fait licencier, et pour son honneur, le cache à sa famille en faisant semblant d'aller au travail comme si de rien n'était. Sauf qu'en fait, il se fait refouler d'entretiens en entretiens, et, comble de l'humiliation, va manger à la soupe populaire. Sa femme n'est pas heureuse dans son mariage et envisage de divorcer, tandis que le fils ainé se porte volontaire pour combattre en Irak auprès des Américains. Quant au plus jeune, c'est un élève turbulent qui révèle des dons au piano grâce à un piano électronique qu'il trouve dans une poubelle, et donc en joue à l'insu de ses parents.


On l'aura compris, Tokyo Sonata parle des rapports dysfonctionnels qu'il peut y avoir dans une famille japonaise, qui n'arrive pas à se dire la vérité en face et où l'honneur compte plus que tout. Il y a notamment ce passage incroyable où le père rencontre un autre cadre, toujours à la soupe populaire, où son portable sonne sans arrêt, donnant l'impression qu'il est très occupé. Au bout d'un moment, intrigué, il se demande pourquoi il vient à cet endroit alors qu'il donne l'apparence de quelqu'un qui a l'air de beaucoup travailler ; il lui répond qu'il a une fonction sur son téléphone qui lui permet de sonner fréquemment dans le vide, faisant ainsi croire qu'il travaille encore. C'est là tout le message du film, l'apparence, le déshonneur, le qu'en dira-t-on, et ce qui est très fort, c'est que Kurosawa ne filme jamais ces gens dans le misérabilisme. Tous vivent des moments difficiles, perturbants, mais à un moment, une réaction, un geste, une parole va les ramener de l'autre côté, pour une scène finale magnifique qui semble faire briller un nouvel espoir.


La lumière est à l'image de cette poisse qui contamine cette famille, et quelque part, ils sont vraiment touchants, comme cette femme qui va être agressée par un cambrioleur (le fidèle Koji Yakusho), et qui va remettre en cause ses convictions. Tout est comme ça dans ce film, où rien n'est glauque, mais il y a une sorte de tristesse, mais à laquelle chacun des gens de cette famille essaye de faire face, et c'est en ça que c'est très réussi.

Boubakar
8
Écrit par

Créée

le 7 juil. 2017

Critique lue 195 fois

2 j'aime

1 commentaire

Boubakar

Écrit par

Critique lue 195 fois

2
1

D'autres avis sur Tokyo Sonata

Tokyo Sonata
Lilange
8

Sonate au cœur des ruines

Comment peut-on garder sa dignité dans un monde qui exclut tout échec? Comment peut-on rester un homme quand on perd ce qui fait de nous des pantins? Comment peut-on être un père si on gâche...

le 19 mars 2017

36 j'aime

4

Tokyo Sonata
Docteur_Jivago
7

Le Déclin de l'Empire Familial

Kiyoshi Kurosawa reprend des thématiques si chères à Yasujirō Ozu pour mettre en scène Tokyo Sonata, où il s'intéresse aux difficultés connues par une famille dans le Japon actuel touché par la...

le 18 sept. 2017

24 j'aime

4

Tokyo Sonata
Jonathan_Suissa
10

Analyse

La première fois, j'ai vu (Tokyo Sonata). La seconde fois, j'ai regardé (Tokyo Sonata). C'est normal en même temps: j'avais déjà vu, je savais et c'était frais (moins de deux semaines). Je pouvais...

le 29 mars 2011

16 j'aime

11

Du même critique

Total recall
Boubakar
7

Arnold Strong.

Longtemps attendues, les mémoires de Arnold Schwarzenegger laissent au bout du compte un sentiment mitigé. Sa vie nous est narrée, de son enfance dans un village modeste en Autriche, en passant par...

le 11 nov. 2012

44 j'aime

3

Massacre à la tronçonneuse
Boubakar
3

On tronçonne tout...

(Près de) cinquante ans après les évènements du premier Massacre à la tronçonneuse, des jeunes influenceurs reviennent dans la petite ville du Texas qui est désormais considérée comme fantôme afin de...

le 18 févr. 2022

42 j'aime

Dragon Ball Z : Battle of Gods
Boubakar
3

God save Goku.

Ce nouveau film est situé après la victoire contre Majin Buu, et peu avant la naissance de Pan (la précision a son importance), et met en scène le dieu de la destruction, Bils (proche de bière, en...

le 15 sept. 2013

42 j'aime

9