Flaherty à la dérive

Effet capsule temporelle garanti, option voyage dans le temps à l'époque des colonies britanniques en Inde et de la chasse aux éléphants en mode open bar. C'est une expérience assez particulière de voir Robert J. Flaherty là-dedans (auteur de toutes les séquences dites à caractère documentaire, laissant à Zoltan Korda le soin d'envelopper le tout dans une coquille de fiction), c'est très naïf, d’une naïveté qui pourrait être perçue comme celle d'un conte pour enfant. L'histoire est d'ailleurs adaptée d'une nouvelle du "Livre de la jungle" de Rudyard Kipling sans surprise, et la chose sans doute la plus intéressant sur le plan de l'histoire du cinéma, c'est la découverte de l'acteur indien Sabu à ses débuts, à l'occasion de son tout premier film à l'âge de 12 ans — futur héros de "Le Voleur de Bagdad", "Le Livre de la jungle", "Le Narcisse noir".

L'introduction est très désuète, comme dans un cirque d'il y a 50 ans où l'on nous présente le jeune garçon comme relais vers l'histoire du film, sur les aventures de Toomaï autour d'une expédition britannique à la fin du XIXe siècle. La narration est assez vieillotte également, avec perte du père, fuite de l'éléphant, et construction de la figure de l'enfant-héros. Le plus intrigant, c'est la relation entre Sabu et son éléphant Kala Nag, occasionnant de nombreuses séquences encore plus étranges vues d'aujourd'hui (des blagues sur ce que l'animal pourrait faire de mal, l'éléphant en colère, l'éléphant qui joue, l'éléphant qui fait la courte échelle avec un bambou). Si on passe sur le côté éminemment colonialiste du film, il faut aussi passer outre la démarche assez peu acceptable sur le plan écologique évidemment, et on peut avoir quelques soucis avec le traitement des éléphants ouvertement malmenés pour les besoins du film — notamment la dernière partie avec battue. Pas un film trépidant donc, simplement une curiosité sortie d'un autre temps.