Question existentielle qui pourrait tarauder toutes les chaumières : depuis quand Ridley Scott est-il devenu ennuyeux à mourir ? Depuis qu'il tente désespérément de rebooter une saga qui ne lui appartient plus depuis longtemps, et où chaque nouveau canon apporté est plus gênant que le précédent ? (à ceux qui ont encore de l'espoir quant au Alien : Awakening annoncé pour 2019 : bénie soit votre indulgence) Ou depuis que malgré l'ambition certaine des métrages dans lesquels il s'engage, c'est l'ennui qui l'emporte haut la main ? On pense à l'inutile Exodus : Gods And Kings, qui a au moins pour lui sa photographie exemplaire, ou au dispensable cartel, agaçante perte de temps de plus de deux heures qui s'appuie sur son casting en pensant que ça suffit.
Et alors qu'on le voit enchaîner les projets à vitesse folle, et que le seul sursaut de sympathie était pour Seul Sur Mars, où toutes les incohérences n'ont pas gâché un moment certes agréable, on se demande si cela vaut toujours le coup d'être excité, voire de consacrer un soupçon d'anxiété, à l'idée d'une nouvelle œuvre de celui dont l'appellation maestrielle a rarement été utilisée à raison.
Au-délà du débat Spacey / Plummer, qui a eu son lot d'encre et nous rappelle qu'il s'agit de juger le produit fini qui nous est proposé, on ne peut pas dire que Tout L'argent Du Monde ne soit doté d'aucune qualité. Au contraire. hors du registre d''action où à part hurler "criez" ou "courez", l'ami ne doit pas savoir quoi dire à son équipe, dès qu'il s'agit d'un registre plus réaliste, Ridley Scott regorge d'une direction d'acteurs exemplaire. Michelle Williams et Christopher Plummer sont, fidèles à eux-mêmes, complètement dingues, et Mark Wahlberg, faisant énormément penser à un Guy Pearce des grands jours, semble s'être réveillé cette fois-ci. D'un point de vue purement factuel, peu de choses entachent la technicité de l'œuvre. Les plans, millimétrés, sont impeccables, la reconstitution, tant sur l'époque que les apparences, sont également des atouts majeurs. Mais alors, qu'est ce qui cloche ?
Le problème majeur de Tout l'argent du monde, c'est qu'on en a strictement rien à foutre. Non pas que le sujet n'est pas intéressant à développer, Ben Affleck et son Gone Baby Gone et Clint Eastwood sur L'échange nous auront prouvé que l'on peut traiter d'enquêtes sur fond d'enlèvement avec brio, mais que l'angle de Ridley Scott est insipide au possible. On passe les deux heures à admirer la technique sans jamais trouver une réelle envie de s'impliquer. Film de commande, Tout l'argent du monde ? Pas tant. Ce manque total d'âme et de personnalité dans les films de Ridley Scott, au-delà d'une marque souvent propre aux biopics et qui ne devrait du coup pas tant étonner, ce n'est pas la première fois qu'on le constate. C'est d'ailleurs ce qui avait relayé American Gangster a, au-delà de la forte impression qu'il avait laissé au sortir des salles, un film qu'on a depuis bien oublié, ou qui avait rendu Kingdom Of Heaven et Robin des Bois chiants à souhait. Alors on subit, on se demande pourquoi ces personnages, alors qu'il leur arrive des aléas qui pourraient nous interpeller en toute logique, nous en touchent une sans faire bouger l'autre.
De là à hurler à la retraite pour l'octogénaire, pas tant. Mis à part les quelques monstres qu'il a pu sortir et qui ont clairement fait sa réputation (et ont redéfini en leur temps le genre et ses codes, qu'on se l'accorde, ce n'est pas rien), son cinéma a toujours été ainsi, un grand vide manquant de ce petit quelque chose qui fait que la magie fonctionne. On sait que malheureusement, Ridley Scott laissera une empreinte bien plus importante que des cinéastes bien plus impliqués dans leur impact et leur mise en scène, mais on n'est pas à l'abri, sur le labs de carrière qu'il lui reste, d'une grande surprise. Bon, ce ne sera assurément pas le prochain. Va falloir méchamment s'activer, en fait.