Un film qui m'a beaucoup touché, qui parle d'amour, de doute, de refoulement, au sein de la société nigériane. Il surprend surtout par sa lenteur et sa simplicité. Quasiment tous les plans sont fixes et de côté, comme au théâtre.

Ce qui m'a le plus marqué, c'est ce personnage de Bambino, joué par Tope Tedela, qui semble contenir une tristesse infinie, sans que cela ne se voie outre-mesure. C'est un personnage qui refoule ses émotions, ses sentiments, et a du mal à communiquer. C'est un être solitaire, quand bien même, il semble avoir une amie sur qui compter. Et il parait très mal à l'aise à l'idée d'engager une relation plus intime avec Bawa, joué par Riyo David, qui, lui, est plus à l'aise, et tentera de l'approcher et de l'aider à s'accepter lui-même, bien que l'une des situations les plus horribles du film soit de sa responsabilité. Le film présente effectivement quelques scènes d'homophobie, ou de vindicte populaire, où la foule s'empare d'une personne et la harcèle, voire lui casse la gueule, il y a même une scène d'immolation... à moins que je n'aie mal compris le contexte. Il faut dire que toutes ces scènes se passent à l'arrière-plan, et l'on peut apercevoir une certaine indifférence au premier plan, comme si cela relevait du banal, augmentant la violence de celles-ci. On y trouve aussi beaucoup de mendicité, et de personnes ayant des problèmes d'addiction avec les jeux d'argent, pour appuyer une situation sociale assez lourde.

Au-delà de ces cas de violences physiques et sociales, qui ternissent le film d'un voile pessimiste (mais qui j'imagine est réaliste), le film reste assez serein et apaisant, malgré le visage fermé de Bambino. À vrai dire, sa relation avec Bawa part d'un peu nulle part, et leur rencontre semble presque surréaliste, mais cela ajoute à la simplicité choisie pour structurer le film. On y suit aussi un peu son amie, même si j'ai du mal à comprendre qui elle est réellement pour lui, vu que le film reste assez mutique, mais qui aura une place centrale dans le propos du film, notamment vis-à-vis de sa propre émancipation.

Je connais très mal le cinéma nigérian, pourtant très prolifique, il m'est donc difficile de le comparer aux restes des productions de ce pays. On pourrait critiquer (encore une fois) le titre français, qui occulte une moitié du titre originel, qui lui donne du sens ("All The Colors in the World Are Between Black and White").

Bref, un film qui peut marquer par sa simplicité apparente, mais qui pourtant réussi à montrer la complexité de ses personnages. Tope Tedela m'a réellement bluffé, il réussit à retranscrire de telles émotions enfouies avec tant de pudeur et d'honnêteté. Le film se permet de finir en silence dans un optimisme inattendu et radical, toujours avec ce même mutisme.

Il est de ces films qui touche personnellement, dont je comprends la solitude écrasante du personnage principal, et qui réussit parfaitement à le montrer, sans avoir recours à des artifices ou à l'extravagance.

(Vu le 11 mai 2024 en VOSTFR au cinéma)

Tiflorg
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films LGBTI+, Les meilleurs films de 2024 et Films Vus en 2024 (+ avis)

Créée

le 13 mai 2024

Critique lue 37 fois

3 j'aime

Tiflorg

Écrit par

Critique lue 37 fois

3

D'autres avis sur Toutes les couleurs du monde

Toutes les couleurs du monde
Cinephile-doux
6

L'arc-en-ciel des sentiments

L'homosexualité est un délit au Nigeria et voir un film de Nollywood s'emparer d'un tel sujet semble totalement illusoire. Basé au Royaume-Uni, Babatunde Apalowo a pris le risque de tourner son...

le 7 mai 2024

3 j'aime

Du même critique

Sans jamais nous connaître
Tiflorg
8

Deuil d'une enfance perdue

Un film surréaliste que nous propose Andrew Haigh, que j'ai connu avec "Week-end" un de ses premiers films, qui est parmi mes romances gays préférées au cinéma, et donc il me tardait de voir son...

le 3 déc. 2023

11 j'aime

Moi capitaine
Tiflorg
7

Fable humaniste malgré elle

Un film sur les réfugiés qui prend quelques partis pris que je trouve plutôt étonnant. Déjà, le contexte de base ne semble pas vraiment justifier un tel voyage, surtout après les multiples...

le 10 janv. 2024

7 j'aime

The Last of Us: Remastered
Tiflorg
8

Pas un jeu à faire. Mais un jeu à vivre.

Un jeu unique. Je n'avais pas prévu de me faire ce jeu à la base, mais suite aux différents critiques qu'il a eu, je me suis dis que ça vaudrait peut-être le coup. Par contre, il ne faut pas...

le 6 févr. 2015

7 j'aime