L'homosexualité est un délit au Nigeria et voir un film de Nollywood s'emparer d'un tel sujet semble totalement illusoire. Basé au Royaume-Uni, Babatunde Apalowo a pris le risque de tourner son premier long-métrage,Toutes les couleurs du monde, dans son pays natal, bien conscient qu'il ne serait jamais projeté officiellement au Nigeria. Le ton de son film est tout empreint de douceur et surtout de pudeur, l'attirance entre deux hommes solitaires et isolés, ne s'avérant jamais explicite. Conçu au départ comme un hommage à Lagos, dont la zone métropolitaine est la plus peuplée du continent africain, et à la singulière vivacité de son chaos permanent, Toutes les couleurs du monde s'affirme par sa lenteur étudiée, son esthétique raffinée et ses partis-pris de mise en scène, comme celui de se focaliser sur ses trois personnages principaux, en maintenant les visages des autres locuteurs, hors champ. S'il est possible de ressentir parfois une certaine frustration devant un message de tolérance plus chuchoté que clamé, l'élégance et la poésie du film sont indéniables. Et sa dernière scène montre que son caractère militant, pour l'arc-en-ciel des sentiments, peut aussi se parer d'une certaine audace.