Les films de Michael Bay peuvent facilement se scinder en deux catégories. Il y a celle du cinéaste qui, bien que toujours emprunt de sa patte visuelle ultra reconnaissable, livre un cinéma plus cadré, lisible et posé : à cette catégorie appartiennent, et cela n'engage que moi, "Bad Boys", "Rock", "Pearl Harbor", "The Island" et "Transformers" premier du nom.
La seconde est celle du Michael Bay sans limites, toujours plus fort, plus gros, plus grand, plus énorme et over the top, bourré d'excès de cinéma qui font sans doute le charme (ou la bêtise, c'est selon) du réalisateur : à savoir "Armageddon", "Bad Boys 2", "No Pain No Gain", "Transformers 2" et "Transformers 3". Balance équilibrée qui se voit aujourd'hui, à la sortie de son 11ème long-métrage, contrebalancée, donc.
Car "Transformers : l'âge de l'extinction" appartient clairement à la seconde catégorie. Et pas qu'un peu. C'est un peu l'aboutissement de l'art doux, dur et dingue du cinéaste, tant dans ses innombrables excès que dans sa générosité hâtive. Ici, la méthode Bay atteint son paroxysme. C'est à la fois un compliment et un non compliment.
"Transformers 4", c'est d'abord l'âge de l'extinction du scénario. Ou plutôt, la reformulation du mot par Michael Bay. Le film propose certes une trame narrative, somme toute identique à celle des deux précédents volets mais cette fois, quelque chose a changé. Le scénario n'est cette fois construit non pas sur un script, mais une multitude d'intrigues à n'en plus finir. Une overdose à l'image de tout le style du cinéaste. Dans un élan d'effort surhumain de ma part, je vais essayer de vous détailler rapidement les intrigues qui soutiennent la construction du film, de la façon la plus limpide possible.

Jugez plutôt (SPOILERS) :
Cinq ans se sont écoulés depuis la bataille de Chicago qui a mis la ville sans dessus dessous. Le gouvernement a donc lancé, par l'action de la CIA, une chasse aux Transformers, Autobots et Decepticons, devenus des parias, sans distinction.
La CIA est aidée dans cette tâche par un chasseur de primes cybertronien, dénommé Lockdown. Le Lockdown en question recherche en particulier, avec l'aide de la CIA, donc, Optimus Prime, que les Créateurs (ceux qui ont créé les Transformers, là haut, dans l'espace) aimeraient voir revenir au bercail pour des raisons encore troubles. En échange de Optimus, Lockdown fournira à la CIA une graine robotique spéciale, qui a la capacité de transformer, une fois activée au sol, toute une large surface de terre en transformium, matière métallique dont sont faits les Transformers et qui a jadis provoqué sur Terre l'extinction des dinosaures. Vous me suivez toujours ? Bien.
La graine en question, une fois récupérée par la CIA, doit, selon le deal passé, être remise à une société technologique de pointe dirigée par un simili Steve Jobs qui compte l'utiliser dans un désert qui servira de réserve pour pouvoir exploiter le transformium. Transformium que le patron de la société a réussi à manipuler après avoir étudié les carcasses d'Autobots et Decepticons de la bataille de Chicago. La société en question a donc réussi à créer ses propres Transformers "synthétiques" grâce au transformium et offrent leurs services à la CIA pour traquer en cours de film les héros humains et Autobots, plus particulièrement Optimus Prime.
La clé de voûte de ces prototypes est un Transformer du nom de Galvatron, renommé ainsi à partir des études accomplies sur la tête de Megatron, contrôlable à distance par la société car dénué de Spark, et donc d'âme, et ainsi purement accessoire. Malheureusement, il s'avère que Galvatron ne soit pas tout à fait aussi contrôlable que ce qu'on pouvait l'imaginer car sous cette couche de métal synthétique vit en réalité Megatron, qui a insidieusement manipulé la société pour lui créer un nouveau corps flambant neuf, son esprit ne s'étant pas tout à fait évaporé lors de sa présumée défaite infligée par Optimus Prime à Chicago. De ce fait, le retour de Megatron pourrait causer une nouvelle fois la fin de l'humanité si celui-ci parvient à s'emparer de la graine préhistorique et la planter dans une ville remplie de véhicules et d'appareils électroniques.
Entre temps, on apprendra que Lockdown se balade dans l'espace à l'aide d'un ancien et glorieux vaisseau cybertronien dans lequel il garde, sans doute pour le compte de quelqu'un d'autre, des espèces d'extra-terrestres de toute sorte et les gardiens légendaires de Cybertron (ou un truc dans le genre) qui se transforment donc en Dinobots.

FIN DU SPOILER

Bref. Vous remarquerez peut-être (je l'espère) que ce résumé, qui n'inclut même pas l'histoire des héros humains que je passe volontairement, peut aider à la sortie du film pour remettre le film en place. Car pendant le visionnage, tout cela n'a aucune importance. La foulée d'intrigues se multipliant n'existe que pour laisser place à un ballet de tôle froissée jamais vu sur grand écran. Michael Bay repousse les limites de son art jusqu'à l'abstraction de ses figures de style : contre plongées avec lumière californienne ; filles en mini-jupe ; money shots au ralenti ; ressorts comiques bien nazes mais marrants car tellement ridicules ; dialogues bien nazes mais marrants car tellement ridicules (j'ai déjà entendu ça quelque part) ; chorégraphie tendant vers l'orgie visuelle ; raccords de plans d'une scène à l'autre absolument consternants et de ce fait, sidérants...
TOUT Michael Bay est dans "Transformers 4". Sentant que son heure est venue sur sa franchise phare, le réalisateur a concentré tout son cinéma en 2h45 frénétiques. Et ça n'est pas plus mal. La première heure est sans doute ce qu'il a filmé de plus beau, des grands espaces ruraux américains jusqu'à des scènes d'action incroyablement cinégéniques. Passé cette heure, le film reprend la narration chaotique du troisième opus en y rajoutant donc sous forme d'excroissance toutes les intrigues citées plus haut. Il y a quelque chose de fascinant à la vision de ce "Transformers 4", cette impression inédite d'assister à un véritable puzzle cinématographique sur tous les plans, de l'esthétique à la narration, étroitement liées malgré la tout simplement non qualité du scénario, inexistant. Michael Bay joue à quelque chose qui dépasse l'entendement. Tel un gosse dans sa chambre d'enfant, le cinéaste semble piocher dans ses bacs ce qui lui chante, à l'improviste, les dispose où ça lui chante et raccorde tout ça à sa manière, avec ce qu'il faut d'imagination pour mener à bien sa simplette histoire devenant à l'écran quelque chose d'assez extraordinaire, impossible de s'arrêter, gardant toujours sous réserve une de ces fameuses intrigues pour la suite, en se rendant compte à la fin de la journée qu'il n'a pas eu le temps de s'amuser avec tout ces jouets à sa disposition, mais avec l'euphorie de celui qui se dira qu'il pourra continuer demain avec impatience.
Ca ne fera pas de son "Transformers : l'âge de l'extinction" le film de l'année ni son meilleur travail, mais peut-être une jolie réflexion sur un cinéma d'auteur que bien des critiques depuis 50 ans ont caricaturés sans le vouloir à force de Truffaut, Godard, Rohmer... et à Bay d'imposer la vision de l'auteur au spectateur par la notion de subjectivité. Ceux qui écrivent des romans sont des auteurs. Et ils ne sont pas forcément bons. C'est ce que dirait Bay, avec sa provocation bien à lui de ne pas se mettre dans le lot. Awesome, Michael.

Créée

le 16 juil. 2014

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Marty Lost'evon

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