Trepanator
5.2
Trepanator

Film de Norbert Moutier (1992)

Je dois bien l'avouer j'ai une tendresse toute particulière pour NG Mount alias Norbert Moutier et pas seulement par esprit de clocher le réalisateur étant Loirétain d'adoption comme moi, mais bien plus par affinité et par respect pour cet artisan de la série Z à la française qui aura toujours, et envers et contre tous fait uniquement ce qui le faisait vibrer. Créateur de fanzine mythiques comme Monster Bis, auteur de roman pour la collection Gore de fleuve Noir, réalisateur à la folle passion capable de faire avec Ogroff un ersatz de Massacre à la tronçonneuse tourné en super 8 avec des potes dans la forêt d'Orléans, Norbert Moutier ne laissera pas son nom dans la grande histoire du cinéma mais il restera une personnalité culte dans le cœur des indécrottables amateurs de cinéma bis. Pour comprendre Norbert Moutier une petite anecdote suffira peut être, puisque après sa mort un professeur de dessin va découvrir sur une brocante un lot de plus de mille bandes dessinées jamais publiées que Norbert Moutier a réalisé en autodidacte entre l'âge de 5 et de 14 ans en s'inspirant des serials et bande dessinée franco/Belge et américaines qu'il lisait étant gosse. Tout Norbert Moutier est peut-être , dans cette façon artisanale, naïve et désintéressée de créer avec passion avant tout pour le plaisir dans une démarche se rapprochant bien plus de l'artisanat et de l'art brut que de toute volonté commerciale. Trepanator son quatrième film s'inscrit parfaitement dans cette même démarche consistant à reproduire et rendre hommage à des œuvres même il n'y a ni le budget, ni le talent, ni l'ambition pour tout à fait réussir l'entreprise. Trepanator est une sorte de remake franchouillard ultra Z du Réanimator de Stuart Gordon mais en version hard discountà la Norbert.

Trepanator nous raconte l'histoire du fils d'un chirurgien fou perpétuant la tradition familiale aux USA avec des opérations chirurgicales permettant un trafic et des transplantations de cerveaux humains.

Contrairement à son tout premier film culte Ogroff (Mad Mutilator) que Norbert Moutier avait tourné avec un indéfectible premier degré et pour lequel il avait eu du mal dans un premier temps à accepter les rires moqueurs des spectateurs, cette fois-ci avec Trepanator le réalisateur s'oriente plus ouvertement et volontairement vers la comédie horrifique et pleinement conscient de l'aspect Z et bricolé de son film Norbert Moutier semble même s'en amuser et essayer d'en faire un atout. Trepanator est un mega-nanar des plus jouissif dans lequel absolument tout du jeu d'acteurs catastrophiques, de la photographie dégueulasse, des effets spéciaux artisanaux, des dialogues stupides, des faux raccords, des stock shots kamikazes, des décors cheaps, de la mise en scène ridicule ... TOUT prête à rire de bon cœur à tel point qu'il est absolument impossible à moins de raconter tout le film dans les moindres détails de citer tout ce qui provoque sourires et hilarité contagieuse face à cette joyeuse série Z totalement décomplexée.

Si vous avez envie de voir ce bon Jean Rollin en chirurgien avec une moustache de farces et attrapes qui le fait ressembler à un boucher charcutier des halles de Rungis en train de balancer des seringue à l'aide d'un petit arc en plastique façon jouet de gamin, de vous extasier devant chat en peluche avec une tête en gant de toilette bruité à la bouche, de voir des chirurgiens avec des instruments médicaux trouvés au fin fond d'une cabane à outils ou d'un rayon bricolage ou d'assister à la plus improbable tentative de reconstitution des États-Unis de toute l'histoire du cinéma alors Trepanator est peut être pour vous.

Ce qui est formidable avec ce genre de série Z c'est que le réalisateur s'autorise toutes les folies et qu'il ne se prive de rien pour mettre dans son film tout ce dont il a envie et surtout les choses qu'il est incapable de filmer correctement. Nous aurons donc droit à une spectaculaire séquence d'assaut des forces spéciales lors du dernier acte du film mais en version Norbert qui se contentera donc d'un bruitage de circonstance sans doute piqué dans un autre film et d'un acteur habilement cadré avec une grosse pétoire en carton qui fait la ronde et passe quatre ou cinq fois devant la caméra pour figurer une colonne de policiers en intervention. Vous assisterez aussi à un match de football américain criant de réalisme avec cinq clampins filmés en plan serré alternant avec des gros plans d'une télévision diffusant un match, le tout pour nous faire croire comme par magie que l'on se retrouve au cœur des tribunes. Les États-Unis version NG Mount ce sont des plans des quais de Seine, des buildings filmés en contre plongés, des immeubles qui font figure de clinique, des parkings de Flunch avec des tonnes de voitures typiquement françaises et un débat entre deux prétendants à la présidence des États-Unis rendu crédible par la magie et l'illusion du septième art puisque l'on a tendu en arrière-plan un immense drapeau américain. Les acteurs grimacent en débitant des dialogues absurdes de façon théâtrale et l'on retrouve au casting en plus de Jean Rollin le journaliste et critique Christophe Lemaire qui nous gratifie d'une séquence de mort grimaçante absolument hilarante à faire se suicider tous les aprentis comédiens du monde. Le film s'offre également le luxe d'un caméo de William Lustig qui incarne un newyorkais venu se faire soigner de cauchemars dans lesquels il voit un flic maniaque terrorisé un New York en carton représenté ici grossièrement en ombre chinoise sur un drap tendu.

Le film est outrageusement gore en versant dans le grand n'importe quoi puisque notre chirurgien fou s'amuse à débiter du cadavre à la tronçonneuse pour soigner une tumeur, à faire des trépanation à la scie circulaire et des ponctions à la perceuse. Au top de la technologie médicale de pointe notre neurochirurgien qui s'appelle Herbert East (l'autre point cardinal étant déjà occupé par le personnage du film de Stuart Gordon) utilise un minitel en guise de supra ordinateur afin de décrypter la mémoire et les codes secrets d'un cerveau sur lequel on a planté négligemment quelques électrodes. Comme je l'ai déjà dit plus haut il est impossible de faire un inventaire de tout ce que le film comporte de joyeuses aberrations, de délicieux accidents de parcours et de formidables médiocrités, la meilleure et unique façon d'appréhender ce que représente l'expérience Trepanator restant sans doute de le voir pour tenter d'y croire quitte à y perdre quelques neurones et deux , trois connections cérébrales.

Norbert Moutier qui nous a quitté il y a 2 ans à l'age 78 ans laisse derrière lui une poignée de films complètement Z, de nanars improbables totalement bis et résolument culte, Mais au delà du résultat; j'ai envie d'y voir encore et toujours cet enfant passionné penché durant des heures et des jours à redessiner cases par cases et réinventer les univers qui le faisait vibrer en y apportant sa touche de candeur et de folie. Norbert Moutier faisait sans doute des films comme il faisait ses bandes dessinées alors qu'il était enfant et adolescent, avec sincérité et passion et tant pis si le résultat était bien loin de la qualité de ces illustres et prestigieux modèles, l'important c'est de créer avec le cœur pour être acteur et pas uniquement spectateur de ses passions et de ses rêves.


Ma Note Nanar : 08/10

freddyK
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le 4 juil. 2022

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Freddy K

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