De son titre original Triple assassinats dans le Suffolk, il ne faudra pas s'attendre à un film policier, malgré une sorte d'enquête en filigrane. On retrouve le style particulier de Greenaway pour les nombres et les intrigues meurtrières... Et, chez Greenaway, les victimes sont bien souvent les hommes.


D'un rythme lent, musicalement travaillés, les films du metteur en scène n'en oublient pas non plus un sens certain de l'humour (noir). L'être humain est montré tel quel, sans en excuser de quelque manière que ce soit, ses actes.
Sous forme de fables labyrinthiques, à tendance baroques, où messages codés, architectures, peintures, et mathématiques rejoignent souvent l'art dans une mise en scène graphique, rappellent que Greenaway est peintre avant tout. Un sens poussé de l'esthétique, de l'éclairage, la musique de Michael Nyman et la photographie de celui qui l'accompagnât dans toutes ses oeuvres, Sacha Vierny. Des compositions picturales faisant référence à Vermeer ou encore Rembrandt font partie intégrante de son travail et le place comme un précurseur d'un nouveau cinéma, hors des clous. Greenaway signe ses scénarios en écrivain confirmé qu'il est.


Il dit lui-même: « j'ai toujours été fasciné par les rapports que le spectateur entretient avec les tableaux... Je veux faire entrer cette relation entre un spectateur et un tableau, cette distance, dans ma pratique cinématographique ».


Drowning by numbers où comment trois femmes nommées Cissie Colpitts, assassineront en toute impunité leur mari respectif avec l'aide d'un juge local qui maquillera à chaque fois les crimes...en attente de sa récompense sexuelle. Une mère une fille et une nièce. Le chiffre 3 pour 3 femmes, 3 meurtres... Deux femmes qui s'y prennent à 3 fois pour noyer leur mari...Et la dernière qui attend 3 semaines avant de passer à l'acte. 3 histoires, les unes après les autres qui se rejoignent dans l'insatisfaction conjugale. Elles pourraient aussi n'être qu'une seule et même personne aux 3 grands moments de sa vie.


Meurtres dans un jardin anglais jouait aussi sur la récompense sexuelle, ainsi que sur l'affranchissement des femmes au pouvoir masculin, où une mère et sa fille enclines aux assassinats, manipulent pour arriver à leurs fins, jeux de pistes morbides pour mettre en place un piège imparable, via les tableaux des jardins. Le graphisme par les quadrillages multiples et un hommage à la peinture et au XVIIème siècle. Hommage que l'on retrouve dans « la ronde de nuit ».


*Les mathématiques, dans la symétrie et la géométrie des cadrages du film Le ventre de l'architecte . On retrouve le chiffre 3. 3 ventres. L'un, métaphore de la ville, le second celui de l'architecte, malade, et le troisième, celui de sa femme enceinte. Les affres de la création et la notion de "passation" pour que que l'art perdure, encore"*


Drowning by numbers est un jeu de piste. La mort par les jeux, absurdes, des enfants et des adultes. Le jeu du "Linceul", préfigurant de ce qui va arriver, et Greenaway qui chamboule l'idée de réalité en l'alternant avec l'imaginaire du jeu qui risque bien de prendre sa place.
Comme les enfants comptent les feuilles des arbres, les poils de chiens en passant par les étoiles, le garçon veut compter tout et jusqu'au bout. Peter Greenaway nous signifie l'humain et particulièrement l'homme par le biais du garçon, le doute et le besoin de ranger, trier, compartimenter et saisir l'insaisissable pour mieux contrôler. La fillette, elle, ne comptera que jusqu'à 100, et renvoie à l'image féminine, plus poétique en dehors des considérations de pouvoir. Tout comme la narration, où le metteur en scène, numérote ces décors, intègre des nombres dans les dialogues et nous conduit de la première partie, au milieu et ensuite au final, également de 0 à 100 et semble nous mâcher le travail.


A la formule « au commencement était le verbe » Greenaway répond : « au commencement était l'image », car sinon comment justifier de l'existence des mots pour décrire ce qui n'existe pas. Le cinéma d'aujourd'hui en a oublié son art par la seule image et utilise trop souvent le verbe comme vecteur d'histoires.


Bousculant le mode narratif du cinéma, son originalité a donné lieu à plusieurs critiques sarcastiques voire condescendantes. La meilleure façon de se donner une idée de son cinéma, est de le visionner...

limma
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le 19 nov. 2016

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