Qu'est ce qu'un homme courageux? Un homme qui part à la guerre un fusil à la main ou un homme qui part à la guerre sans fusil à la main ?


Mel Gibson ne donne pas de réponse à cette question et c'est tant mieux.


En racontant l'histoire de Desmond Doss, Gibson, certes dans sa zone de confort entre conviction et action, signe un film d'une grande beauté, à tout point de vue, même dans l'horreur.


Le film se découpe clairement en 3 actes. Le premier, tout de soleil et de verdure, raconte Desmond et son monde si petit et si tranquille quand son père, vétéran de la 1ère guerre ne pète pas un plomb.
Le second se concentre sur la préparation militaire de notre héros qui ne se passe pas sans anicroches puisque l'armée américaine ne voit pas d'un bon oeil cet objecteur de conscience dans ses rangs. Dans un monde où le courage et la virilité se mesurent à l'aune d'une arme, Desmond fait tâche.
Le troisième acte nous emmène à Hacksaw Ridge (titre original beaucoup moins cheap que ce commandement qui fait placard), bataille sanglante et difficile de la guerre du pacifique durant laquelle Desmond va démontrer son courage et il n'est pas le seul. Soit dit en passant, l'assaut de la falaise ferait presque passer le débarquement du "Soldat Ryan" pour de la gnognote. Il faut tout de même mentionner spécialement la longue scène où Desmond sauve un à un les blessés en haut de la dite falaise et arrive toujours à en trouver un autre, puis un autre porté par une foi qui n'est pas seulement en Dieu mais en lui même. Personnellement, je n'ai quasiment pas respiré pendant tout ce passage me demandant vraiment s'il allait en trouver un de plus et survivre lui aussi. La scène pourrait être grand-guignolesque et mélodramatique à l'écoeurement mais non, Gibson et Garfield arrive à éviter ces ornières avec brio.


Certains trouveront l'aspect religieux trop prégnant, cela n'a pas été mon cas, car somme toute, il n'a pas d'importance. Ce n'est pas la religion qui est au centre du film mais Desmond, certes croyant, mais dont les motivations ne sont pas totalement religieuses ce que nous apprennent des flashbacks intelligemment construits pour une fois. Sa conviction est plus morale que religieuse au bout du compte et un peu mâtiner d'orgueil aussi, ce qui ne le rend que plus humain.


Les acteurs sont tous également excellents et le spidemanien Andrew Garfield brillle en jeune homme plein de sensibilité et de volonté. Son air de petit faon perdu dans la tourmente fait merveille et en tant que spectateur on a vraiment l'impression qu'il peut se casser en 2 à tout instant.
Vince Vaughn sort enfin de ses rôles nases de gros beaufs pour créer une caricature non caricaturale du sergent instructeur, un exercice très périlleux dont il se sort avec les honneurs.
Et tout le reste du casting s'en sort comme un chef également sans fausse note, même dans les moments plus potaches et les personnages secondaires sont tous attachants et loin d'être manichéens.


Gibson filme son Amérique façon Norman Rockwell avec amour et ses petits gars avec fierté. L'ennemi japonais est déshumanisé car la caméra prend le point de vu des GIs (jusqu'à ce que Desmond se retrouve face à l'un d'eux et soudain il est humain car lui il le voit en tant que tel). Le combat est tout autant déshumanisé, les hommes tirent dans le tas et escaladent des monceaux de cadavres. Gibson y va carrément avec chairs volant en éclats, souffrance et presque apocalypse zombie.


Sans révolutionner le genre Mel Gibson signe, sans aucun doute, son grand retour derrière la caméra. Il fait d'un film de guerre très violent une ode à la non-violence, d'un anti héros un héros tout court et arrive même à saupoudrer un peu de plaidoyer pour la tolérance.


L'estampille "histoire vrai" est toujours dangereuse et je m'en méfie comme de la peste mais dans ce cas précis, c'est une histoire qui mérite d'être racontée, un homme qui mérite d'être connu, une bataille qui mérite de prendre sa place dans la filmographie de la guerre et quand elle est racontée/montrée comme ça, hé bien, elle en devient un fable sur l'humanité.


Oui, j'étais fière d'être un être humain en sortant de la salle ce qui n'est pas souvent le cas en sortant d'un film de guerre.


A n'en pas douter LE film de cette année 2016.

Créée

le 14 nov. 2016

Critique lue 398 fois

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Anilegna

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