Tu ne tueras point par Valentin Grethen

En 1993, l’acteur Mel Gibson (alors très célèbre pour ses rôles dans Mad Max, L’arme fatale…) décide de passer de l’autre côté de la caméra avec L’homme sans visage. Depuis, il s’est imposé comme l’un des plus grands réalisateurs actuels, mettant en scène comme personne des parcours initiatiques sur fond de religion. Sa mise en scène et sa capacité à réduire les dialogues au profit du découpage culminaient dans l’incroyable Apocalypto, son dernier film. Mais 10 ans plus tard, Mad Mel revient et ça valait le coup d’attendre.


Comme on pouvait s’y attendre, même s’il s’agit d’un film de guerre, le film parle beaucoup de la foi. S’il commence dans un contexte très catholique, c’est la croyance comme valeur universelle qui prime à la fin. Exit donc les valeurs catho du premier tier lorsque le propos du film commence à émerger, au profit d’un humanisme intense et touchant. D’ailleurs le film a parfaitement conscience qu’il appartient à un genre déjà rempli de pamphlets anti-guerre, dont certains sont déjà des monuments du cinéma. Ainsi, la critique de la guerre n’est présente qu’en filigrane, au profit du prisme de la croyance à travers lequel est traitée la bataille d’Hacksaw Ridge. Le thème de la croyance et de la religion se retrouve aussi dans la grammaire visuelle du film, par les cadres et/ou la photographie, montrant la dimension salutaire du parcours du héros (brillamment interprété par Andrew Garfield), jusqu’à un dernier plan magistral.


Le film fait aussi preuve d’une grande intelligence au niveau de sa construction. Les 40 premières minutes sont principalement composées de scènes que l’on a déjà vu un certain nombre de fois. Cependant, elles sont incroyablement bien mises en scène par Gibson (scènes très émouvantes entre Desmond et sa copine, Desmond et sa famille…) et le rythme global de ce début est très efficace. Ainsi, on n’échappe pas aux sempiternelles scènes du Sergent qui insulte ses soldats (Vince Vaughn est génial), de parcours du combattant (dont l’intensité prévoit celle des batailles à venir), les au-revoir avant le départ à la guerre....
Cependant, ces scènes ont un utilité bien précise. En plus d’être une exposition très efficace, elles placent le spectateur dans un genre de confort pour que l’impact soit plus puissant.


Et cet impact, il arrive pendant la première scène de bataille. Ca y est, on est plus au camp. C’est la guerre. Et quelle guerre. Accroché au siège, il est impossible de respirer tant la viscéralité de la mise en scène est traumatisante. On sent les balles nous frôler, on est au coeur de cet enfer, le sound design est terrifiant. Et c’est comme ça pendant 1h40, avec peu de pauses. Pourtant, la virtuosité du découpage de Mel Gibson fait qu’on ne s’ennuie jamais, tous ses plans sont cinégéniques et il propose une telle variété visuelle que l’on est bluffé à chaque cut. Difficile d’en dire plus, les images parlent d’elles-même et racontent leur propre histoire, approfondissant le récit avec pertinence. Le tout s’achève sur une scène finale magnifique aux ralentis apocalyptiques.
L’exposition met aussi en place des personnages dans le camp militaire, pour mieux transcender leurs relations et leurs caractères par la suite, toujours au profit de l’humanisme dont je parlais plus haut; attention donc aux montées de larmes.


Le dernier film de Mad Mel est le plus grand de son auteur. Une claque de mise en scène et d’écriture comme on en voit que très peu. Il est difficile d’en parler dans les détails parce c’est une vraie expérience de cinéma qui prend aux tripes et qu’il faut absolument vivre.

valgrt
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films vus en 2016, Les meilleurs films de 2016 et Top 15 2016

Créée

le 27 sept. 2016

Critique lue 506 fois

4 j'aime

Critique lue 506 fois

4

D'autres avis sur Tu ne tueras point

Tu ne tueras point
guyness
2

La dernière tentation du fist

Rater un film est à la portée d'à peu près tous les réalisateurs. Presque tous, même les plus grands, ont un jour loupé la marche de leur ambition. Non, le vrai exploit, c'est d'arriver à rater...

le 22 févr. 2017

140 j'aime

77

Tu ne tueras point
Vnr-Herzog
4

Le triomphe de la volonté

Il a beaucoup été reproché aux distributeurs français le titre francophone Tu ne tueras point en lieu et place de Hacksaw Ridge, qui désigne l'endroit où se tient la bataille au cœur du nouveau film...

le 1 mars 2017

134 j'aime

14

Tu ne tueras point
Laaris
4

Tu ne riras point

Un vegan bigot oppressif décide d'aller faire la seconde guerre mondiale à mains nues. Au début il passe pour un con, se fait bolosser par Vince Vaughn, et finit en cour martiale, mais s'en sort...

le 9 nov. 2016

88 j'aime

20

Du même critique

Tu ne tueras point
valgrt
9

Critique de Tu ne tueras point par Valentin Grethen

En 1993, l’acteur Mel Gibson (alors très célèbre pour ses rôles dans Mad Max, L’arme fatale…) décide de passer de l’autre côté de la caméra avec L’homme sans visage. Depuis, il s’est imposé comme...

le 27 sept. 2016

4 j'aime

Suspiria
valgrt
9

Critique de Suspiria par Valentin Grethen

Le 5 février dernier, Dario Argento était présent à la cinémathèque française pour la quatrième édition du festival “Toute la mémoire du monde”, l’occasion pour moi de me pencher sur l’oeuvre de ce...

le 16 mars 2016

4 j'aime

Des nouvelles de la planète Mars
valgrt
7

Critique de Des nouvelles de la planète Mars par Valentin Grethen

Près de 5 ans après “Le moine”, Dominik Moll revient derrière la caméra pour réunir un duo un peu particulier : François Damiens et Vincent Macaigne, deux acteurs très talentueux mais jouant l’un et...

le 7 mars 2016

3 j'aime