Dix ans se sont écoulés depuis Apocalypto (2006), lorsque sort le dernier film de Mel Gibson, Tu ne tueras point (2016). C'est le cinquième film de Mel Gibson en tant que réalisateur et on attend encore à ce jour, au moment où j'écris ces quelques lignes (2022), son sixième film.

Tu ne tueras point est un drame sur la Seconde Guerre mondiale qui raconte comment Desmond T. Doss (Andrew Garfield) devient le premier objecteur de conscience à recevoir la médaille d'honneur. Pourquoi me direz-vous ? C'est parce qu'il n’a jamais tiré une seule balle sur la zone de combat. C'est un peu l'antithèse d'American Sniper de Clint Eastwood, quoi ! Mais c'est aussi en quelque sorte un remake déguisé de Gallipoli de Peter Weir (et avec Mel Gibson) ou un Gallipoli 1.5, puisque les deux films partagent les mêmes envies de raconter une histoire d'hommes au sein d'un film de guerre. Les deux films partagent aussi la même structure narrative, avec une très longue exposition, avant de passer à la zone de combats. Comme Gallipoli, pour moi Tu ne tueras point est plus un film dramatique, qu'un vrai film de guerre.

L'obstination de Desmond T. Doss à ne pas vouloir, ne serait-ce toucher un fusil et de refuser à tuer des gens, est enracinée dans son éducation religieuse et est cimentée par un incident d’enfance durant lequel il blessa accidentellement son frère lors d’une bagarre. En temps de paix, c’est un précepte auquel nous adhérons tous, mais pas en temps de guerre ça vient se heurter avec la réalité des viols collectifs, des exécutions, des camps de concentration, des meurtres, des déplacements massifs de réfugiés, de la purification ethnique ... c'est un fait, la nature de l'homme est violente.

Au lieu d’être un objecteur de conscience qui observe les choses de loin, Desmond décide plutôt de se porter volontaire pour rejoindre l’armée, comme beaucoup de jeunes hommes de son temps, poussé par l’enthousiasme patriotique. Personne n'arrivera à lui faire changer d'avis, pas même son père Tom Doss (Hugo Weaving qui vole la vedette à tout le monde en l'espace de deux ou trois scènes chocs et douloureuses) qui est un vétéran de la Première Guerre mondiale, lui qui a été traumatisé par la perte de ses camardes et plus proches amis. Il ne pense pas que l’idéologie de son fils puisse s'accommoder avec celle de l’armée. Mais voilà, Desmond veut poursuivre son propre plan. Galvanisé par sa romance avec l’infirmière Dorothy Schutte (Teresa Palmer), il décide de s’enrôler comme infirmier sur le champ de bataille, pour sauver des vies au lieu de les prendre.

Comme on pouvait le pressentir, sa singularité est considérée comme impensable aux yeux de ses pairs et de la haute hiérarchie militaire. Ainsi, dans le camp d’entraînement il est pris à partie, insulté, battu ... tout ça, parce qu’il refuse de toucher à un fusil ou à toute autre arme létale. Desmond s’en tient à ses principes jusqu'au bout. C'est alors que le film rentre dans sa dernière partie et que les choses sérieuses commencent. Les combats rapprochsé entre les États-Unis et le Japon sur la crête hacksaw à Okinawa, est d'une violence sidérante. Mel Gibson ne lésine pas sur le gore, les balles qui volent, les membres qui volent, les jets de sang ... c'est une véritable plongée en enfer.

Le film est clairement divisé en deux partie. La première partie est "diront certains" d'une niaiserie pas possible, illuminée par le sourire béat permanent de Desmond ... et quand je dis "sourire béat", je suis gentil avec lui. Alors certes, ça vient trancher avec la deuxième partie du film où l'on verse dans l'horreur absolue, mais toujours est-il qu'Andrew Garfield en fait des tonnes. Moi au lieu de voir de l’émerveillement sur son visage, j’ai réellement cru que c’était un débile profond au début du film.

Ensuite, pour ce qui est de la bataille finale, aussi bien réalisée soit-elle, elle n'apporte rien de nouveau au genre film de guerre. C'est un mélange entre Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg et la série The Pacific (made in HBO en collaboration avec Steven Spielberg). Je m'attendais à mieux de la part d'un Mel Gibson, que ces moments de bravoure appuyées par des ralentis à foison et une musique omniprésente. J'ai aussi noté de nombreux faux-raccords, trop de CGI (dont certains dignes d'une cinématique PS4), des fonds verts trop voyants ...

Et puis c'est quoi ce délire avec Andrew Garfield qui fait une reprise de volée avec la grenade ?

Un autre fait gênant, est le traitement problématique du côté ennemi par Mel Gibson. Les japonais sont vus comme de la chair à canon et des machines à tuer n'éprouvant pas la moindre émotion. Le pire, c'est quand à la fin ...

Les Japonais montent un canular flagrant au drapeau blanc. Cette scène est intentionnellement orchestrée pour souligner la nature trompeuse du rival, ce qui sape le peu d'empathie qu'il nous restait pour les japonais.

On est loin de la représentation plus honnête et équilibrée des forces en présence dans Lettres d'Iwo Jima de Clint Eastwood.

Si on enlève l'originalité du pitch de départ (un infirmier qui ne touche pas aux armes), on se retrouve face à un bon film de guerre, mais qui ne transcende pas le genre. Et pourtant, malgré tous les reproches que je puisse faire au film, on est d'abord pris par l'émotion et comme Desmond on tombe immédiatement amoureux de l'infirmière (Teresa Palmer est trop "mimitoutplein"). Et puis, dans le final les scènes de combats sont à couper le souffle, on est littéralement cloué à son siège. Alors certes, ça ne vaut pas Braveheart ni Apocalypto, mais on se prend d'empathie pour ce p'tit bonhomme vraiment très courageux au sourire un peu trop béat.

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le 9 oct. 2022

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lessthantod

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