Il faut reconnaitre à Claude Autant-Lara un certain courage pour entamer pendant la guerre d'Algérie un film qui traite de l'objection de conscience, même située en 1949. Pour ma part, j'étais prêt à me rallier à son antimilitarisme. En revanche, je n'adhère pas à son cinéma, toujours soigné sur la forme, mais tellement maladroit sur le fond, aussi sincère soit-il
Les personnages sont faux et la direction d'acteurs est balourde, les uns n'allant pas sans l'autre. Il n'est qu'à voir le tout début du film, dans l'Allemagne de l'immédiate après-guerre, qui introduit un des deux thèmes du film dans une scène incongrue au bord d'un terrain de foot: il ne manque que Darry Cowl!
Le problème du cinéma d'Autant-Lara, à fortiori lorsque le cinéaste défend une thèse -voir ses deux films traitant de l'avortement- c'est que toutes les idées sont surjouées et que son didactisme, dans ce film en particulier, s'exprime à travers des personnages, figurants compris, théoriques et démonstratifs. Comment voulez-vous que les comédiens soient bons?
Cordier est un chrétien objecteur de conscience et désormais un réprouvé; le prêtre allemand Adler est un ancien soldat de la Wechmacht rattrapé par un crime commis à Libération -qui donne lieu à un flashback théâtral d'un pathétisme complaisant. Les deux ont rendez-vous dans un procès schématique qui constitue la dernière partie du film, où le trio Bost-Aurenche-Autant-Lara discourt relativement au sixième Commandement et à propos de ce qui est admissible de la part d'un chrétien.
A travers Cordier, les auteurs entament avec la cour un débat convenu, lequel prend un tour particulièrement grotesque parce qu'Autant-Lara filme un tribunal de cinéma grossier, avec ses accusateurs, ses témoins, son prévenu et ses dialogues de cinéma. Ils servent le message d'Autant-Lara tout en l'éloignant du plus élémentaire réalisme.
L'interprétation affectée de Laurent Terzieff, en Cordier au-dessus des contingences humaines, est agaçante. Dans le rôle subalterne de Madame Cordier mère, pleurnicharde et admirative de son fils, Suzanne Flon a reçu le prix d'interprétation à la Mostra de Venise. On croit rêver. A moins que ce soit un lot de consolation pour un film audacieux et censuré.
Délocalisé en Yougoslavie, le film est peuplé de comédiens locaux dont le doublage n'est pas fait pour favoriser l'authenticité du récit.