Aide toi et le ciel t'aidera

Film méconnu dans la filmographie d'Andrew McCarthy, celui-ci ne tranche cependant pas avec le reste de ses rôles, mais c'est pour ça qu'on (que je) l'aime. L'étudiant discret au tempérament rebelle profondément enfoui, il sait le jouer et Tutti frutti ne déroge pas à la règle.

Le film n'est ni un chef d'oeuvre de subtilité, ni une révolution du genre. L'intrigue apparait assez simpliste, et le fait que la fin soit rushée comme jamais n'aide pas beaucoup. Vu le potentiel dramatique et la densité de ce qui veut être raconté avec ces quelques lignes de scénario, le film pouvait tenir 2h je pense, et se serait ainsi permis un meilleur développement là où il le fallait.

Néanmoins, Tutti frutti a su aller droit au but à de nombreuses reprises et c'est appréciable. Dans une période post-Affaire Bétharam en France, voir ce film résonne particulièrement lorsqu'on a suivi l'actualité. La violence institutionnelle est montrée sans vraiment de filtres, et elle fait parfois froid dans le dos.

Le plus intéressant reste les différentes nuances d'antagonistes. Les prêtres jésuites, qui apparaissent de prime abord tous autoritaires ou presque, se révèlent être + nuancés face au pire d'entre eux, même si leur tendance à tout contrôler reste prégnante (en atteste les scènes avec le bar).

S'agissant des personnages, on peut certes déplorer quelques facilités, et un manque d'évolution pour certains, là encore du à mon sens à un quart d'heure manquant. J'ai beaucoup apprécié le frère Timothée, rayon d'espoir dans ce monde de brute, qui me rappelait sous certains aspects la bienveillance de prêtres que j'ai connu. Son côté Robin Williams sorti du Cercle des poètes disparus m'a parlé, d'autant plus que le film aurait largement pu en être une source d'inspiration.

En effet, au regard du sujet abordé et de ses facettes, Tutti frutti aurait pu revendiquer la paternité de deux films que j'aime énormément, le Cercle des poètes disparus bien sûr, mais dans une moindre mesure aussi, Sleepers. Les parallèles sont assez flagrants, avec les habituelles questions: que faire quand l'autorité abuse de son pouvoir au delà du tolérable, trouver la force de se lever contre elle, etc.

La dureté de certaines scènes du film tranche avec le ton étonnamment très léger d'autres moments. Tutti Frutti est capable de basculer dans un humour assez typique du Teen Movie 80's, et ne rate jamais son coup. Certaines scènes, notamment la distribution d'osties, sont assez hilarantes, et d'y penser alors que le film est globalement dramatique a un coté plutôt paradoxal. Mais c'est justement cet équilibre et cette justesse qui fait du film une oeuvre sincère et plutôt bien foutue.

Là où je pourrai regretter le côté terne du truc, avec une colorimétrie vraiment dépressive, la dynamique des dialogues et l'audace de quelques plans sortant de l'ordinaire en font un objet filmique qui tente des choses et s'impose comme assez réussit.

Difficile de résumer Tutti Frutti en une seule scène, mais l'épisode du bal montre à mon sens à quel point le film a compris son sujet et comment le traiter: une démonstration d'autorité (exécutée par un Wallace Shawn convaincant), une touche d'humour, plusieurs comportements nuançant les différentes versions de cette autorité, et un contraste entre le conservatisme à la limite du ridicule et les envies de liberté de nos héros.

On a donc là un petit film méconnu qui aurait sans doute mérité qu'on s'y attarde plus, que ce soit le réalisateur ou les spectateurs. Je recommande.