Ulysse sur son 31

En raison de ses origines latines, le péplum appartient aux italiens. Toutefois, le genre est tombé en désuétude au milieu des années 20. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que le genre profite du déclin du mouvement néoréaliste et que les studios Cinecittà de Rome accueillent les décors du film Quo Vadis qui sera auréolé d’un triomphe mondial et de plusieurs oscars, qui permettront un nouvel âge d’or pour les studios qui collaboreront pour 150 films de ce genre durant 15 ans avant de se recycler dans le film d’action-espionnage puis de connaître un nouvel engouement suite à la popularisation du western spaghetti initié par le premier succès de Sergio Leone Pour une Poignée de Dollars en 1964. Le grand Kirk Douglas va profiter de son idylle européenne pour camper le rôle d’Ulysse dans l’adaptation homérique de Mario Camerini produit par le magnat Dino de Laurentiis. D’un point de vue financier, Ulysse est sous pavillon américain, pour autant, le film possède cette sensibilité européenne qui manque souvent aux productions hollywoodiennes, bénéficiant également de superbe reconstitution qui mélange différentes époque de l’antiquité, d’ailleurs les armes et armures seront empruntées à différents musées de Athènes, Naples et Rome. À défaut de pouvoir traiter toutes les étapes du voyage d’Ulysse, le film emprunte quelques passerelles scénaristique afin de retracer son odyssée à travers plusieurs passages marquants du chant d’Homère.

Le rôle d’Ulysse sied particulièrement à Kirk Douglas, puisqu’il qu’il lui permet d’exprimer toutes ses contradictions, ses tourments, mais également sa fougue et son romantisme avec les femmes. Ardé par le désir de vivre pleinement son aventure et de s’élever au rang d’un héros mythologique défiant les dieux, Ulysse reste néanmoins tempéré par sa condition de simple mortel et l’envie de retrouver les siens à Ithaque. Ce contraste est parfaitement représenté dans la séquence où le héros s’encorde au mât de la Trière pour se laisser bercer par le chant des sirènes tout en évitant la tentation mortelle d’y succomber. Son orgueil et son impétuosité mettront souvent la vie de ses hommes en danger, ce qui en fait un personnage tout aussi faillible et tourmenté que dans sa représentation littéraire, d’autant que le récit le mettra parfois face à des dilemmes cornéliens (le choix de l’immortalité) que l’on peut projeter sur celle de son acteur partagé entre ses aspirations de carrière qui lui permettront de mener la grande vie (gloire, richesse, et de multiple conquête féminine) à une situation familiale plus stable.

Le long-métrage comporte son lot de fulgurance (la violence sidérante de la Mnestérophonie) et de lyrisme (l’antre de Circée). Si le réalisateur exploite souvent le hors-champ, les effets spéciaux font encore illusion de nos jours comme avec cette séquence mettant les guerriers grecs aux prises du cyclope Polyphème qu’Ulysse cherchera à séduire et éborgner. Certaines étapes du voyage sont occultées ou bien fusionnés, notamment le chant X et XI qui réunit la Nekuia à la rencontre avec l’envoûtante Circée interprété par Silvana Mangano dans un rôle à double emploi puisqu’elle joue également Pénéloppe, la femme d’Ulysse courtisé par de nombreux prétendants au trône qui tenteront péniblement de bander son arc dans une épreuve qui mettra à mal leur virilité. En dépit des moyens limités investis (500 000 $), Mario Camerini est parvenu à insuffler un véritable souffle épique, et le spectateur acceptera allègrement de se laisser porter par les courants de ce récit d’aventure fantastique et mystique préfigurant les différentes adaptations de l’Illiade et de la mythologie Grecque qui envahiront nos écrans (Jason et les Argonautes, Le Choc des Titans, etc…)