Une enquête jubilatoire dans le monde de l’art

Le premier long métrage de Lucas Bernard, UN BEAU VOYOU, est un petit bijou d’ingéniosité.


UN BEAU VOYOU se révèle une jolie surprise en ce début d’année. Le ton, les dialogues, l’histoire et les personnages très bien campés dès le début du film sont tout simplement épatants. Le réalisateur-scénariste Lucas Bernard parvient très bien à rendre tous les personnages attachants et empathiques, sans jugement de leurs actes. Soit le Commissaire Beffrois, blasé, revenu de tout, et dont la perspective de la retraite dans quelques jours ne l’enchante guère. Son quotidien est ennuyeux et parfois sordide, mais il est de bonne volonté et compréhensif. Preuve en est la bienveillance dont il témoigne envers le jeune voleur qu’il retrouve dans son appartement.


Affublé de chemises hawaïennes plus moches les unes que les autres et que le célèbre détective Magnum ne renierait pas, il est interprété par Charles Berling (Marvin ou la belle éducation). Ce dernier semble s’en être donné à cœur joie en mettant au service de son personnage son ton facétieux, son regard brillant et son humour décalé. Confronté pour sa dernière affaire à un vol de tableaux, le Commissaire s’y engouffre avec jubilation. Car cette affaire “sent le beau voyou et pas le délit qui sent la misère” auquel il est hélas habitué. On le suit dans son enquête aux multiples et très intéressants rebondissements.


Comme un dernier appel d’air, le Commissaire y voit peut-être une façon de s’élever enfin dans son métier. Car il a pour la première fois de sa vie la possibilité d’une incursion dans un monde dont il s’est toujours senti exclu: celui de l’art. Sa femme décédée avait bien tenté de l’initier, mais il n’a jamais trouvé son juste rapport au beau et à l’art, qui le laisse de marbre. Sans esprit revanchard et très lucide sur son absence de sensibilité et de goût, il éprouve le besoin de comprendre les raisons et le modus vivendi du voleur, éveillant de fait la curiosité du spectateur.



Petite perle de culture jubilatoire, UN BEAU VOYOU est un vrai coup de
maître.



On sait de suite que Bertrand est le gentleman cambrioleur caméléon, auquel Swann Arlaud (Petit Paysan) apporte la touche de mystère, de discrétion et de sympathie nécessaires pour que le spectateur le prenne très vite en affection, tout comme le Commissaire. La relation des deux hommes, telle que décrite dans UN BEAU VOYOU, est empreinte de respect, d’intérêt et d’admiration mutuelle. Et elle rappelle celle qu’entretenaient généralement les protagonistes de Colombo et en particulier ceux de l’excellent L’affaire Thomas Crown.


Le réalisateur-scénariste Lucas Bernard alterne judicieusement à l’écran la vie et les moments en famille des deux hommes, permettant ainsi au spectateur de mieux comprendre le parcours de chacun. C’est grâce à la restauratrice de tableaux Justine/Jennifer Decker (Paris-Willouby), maîtresse décomplexée et fascinante de Bertrand que le Commissaire et le voleur font connaissance. Le film décrit parfaitement comment une rencontre improbable peut se révéler utile à l’un comme à l’autre. Le Commissaire va ainsi se cultiver au contact de cette famille d’artistes quand Bertrand va comprendre un peu mieux les raisons de ses actes et peut-être les canaliser.


Le ton subtil du film, qui se veut léger à la façon d’un Pierre Salvadori, enrobe pourtant un discours pas piqué des vers sur ce monde bourgeois de l’art. Car les films qui se moquent intelligemment de ce monde de la peinture très fermé et parfois condescendant, ne sont pas si fréquents. En ce sens, le discours désenchanté et drolatique de Charles, le père artiste de Justine, interprété par Jean-Quentin Châtelain (Le collier rouge), restera sans doute un vrai morceau d’anthologie cinématographique. Le réalisateur réussit heureusement à tenir jusqu’au dénouement et sans essoufflement aucun, le suspense, la surprise et la finesse de ses dialogues, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Petite perle de culture jubilatoire, UN BEAU VOYOU est donc un vrai coup de maître, qu’il serait dommage de manquer.


Sylvie-Noëlle


https://www.leblogducinema.com/critiques/critiques-films/un-beau-voyoy-une-enquete-jubilatoire-dans-le-monde-de-lart-critique-873651/

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le 2 janv. 2019

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