Le postulat de départ a tout pour convaincre. Parler de fascination pour cette période sombre de l’Histoire, le lourd chapitre des camps de concentration, est malsain, mais l’intérêt qu’on y porte n’en est pas moins fort, l’homme ayant besoin de savoir jusqu’où certains ont pu aller, ce qu’il se passe quand on outrepasse tous les fondamentaux de l’Humanité. Aussi, le point de départ du film est bien choisi, puisqu’il commence par l’évocation des souvenirs du nazi, et de plusieurs conversations qu’il entretient avec le lycéen sur ses anciennes activités. Un discours réaliste, prolixe en détails, qui étoffe bien la carrure de Dussender en officier nazi. De plus, un certain recul pris par le film avec l’officier nazi (une musique pas agressive, traitant plus Dussender comme un témoin que comme un criminel) tend à rendre le récit un peu plus troublant. Mais sur ces bonnes bases, le film se casse bientôt la figure. En effet, on assiste alors peu à peu à un jeu du chat et de la souris entre le vieux nazi et le jeune lycéen, qui tentent de se faire chanter mutuellement pour éviter que l’un dénonce l’autre. On s’éloigne complètement de la fascination et des désirs de savoir plantés dans l’introduction. En fait, après la première heure, le film n’apporte plus grand-chose, et il reste encore trois quarts d’heure au compteur. Notre vieux nazi élimine un clochard témoin de son passé, notre jeune a des notes en baisse (un comble pour un petit nazillon avide d’excellence) avant de tuer un pigeon à l’aile froissée avec son ballon de basket. Pendant ce temps, notre vieux nazi tente de tuer un chat en le faisant cuire dans son four, mais il se plante (on n’allait pas sacrifier un chat, quand même). On relèvera aussi une scène totalement inutile où notre officier est contraint de remettre son ancien uniforme de nazi et où notre nazillon le fait marcher au pas dans le salon avant d’en avoir assez, parce que la musique d’ambiance devient trop forte. Finalement, le film s’empêtre dans son discours idéologique, hésitant trop à montrer le potentiel de fascination de l’idéologie nazie sur le lycéen, alors que dès le début, c’est le rôle qui lui était dévolu. Au final, le film se freine, n’y va pas à fond, et se bloque sur des détails pas très significatifs, comme les mauvais traitements des animaux précédemment évoqués. Toutefois, le film donne envie de découvrir la nouvelle de Stephen King dont le scénario est inspiré. Le film essaye pourtant de redresser la barre de la morale avec l’intervention d’un ancien déporté (qui reconnaît son ancien bourreau, une scène maintenant connue sur ce sujet, mais qui ne laisse jamais indifférent) qui dénonce l’ancien officier. Nous avons alors le FBI et le Mossad qui viennent encadrer l’affaire, et qui trouvent vite des trucs bizarres pendant l’interview avec le nazillon. Nazillon qui d’ailleurs, à une minute de la fin, se lance dans une tentative de chantage auprès de son conseiller d’orientation totalement hors-sujet, le fait d’être nazi sous-entendant dès lors d’être intelligent et manipulateur ( ??). En bref, sans que le film devienne puant idéologiquement, il se révèle aussi beaucoup trop timide et pas assez clair dans sa démarche pour susciter de l’adhésion. L’exercice de style était périlleux (un tel sujet est prompt à relancer des polémiques), mais le résultat, à moitié avorté, est aussi inutile qu’un fœtus dans un bocal de verre. Inutile de préciser que le film est interdit aux moins de 16 ans, mais qu’il faudrait être vraiment influençable et sans recul moral pour se laisser corrompre par un film finalement aussi peu engagé.
Voracinéphile
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le 22 sept. 2013

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