Un film dramatique
6.6
Un film dramatique

Documentaire de Éric Baudelaire (2019)

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Attention: cette critique peut gâcher votre expérience. Les prétentions du synopsis m'ont tout simplement poussé à l'écriture.


D'abord un petit bout de contexte. Réalisé dans le cadre du dispositif « 1% artistique » qui obéit à « l'obligation de décoration des constructions publiques », Un Film Dramatique est avant tout une oeuvre d’art conçue suite à un appel d’offre public. En cela, ses enjeux sont presque incomparables à ceux d'un documentaire ou d'une fiction produite dans un contexte plus commun. Et ça se sent.


“Qu’est-ce qu’on fabrique ensemble, si ce n’est ni un documentaire ni une fiction?”


Avec Un Film Dramatique, Éric Baudelaire nous propose (si ce n'est un documentaire) un montage de vidéos en réponse à cette question. Une mosaïque impressionniste et calme dont les fragments proviennent de quatre années passées à travailler avec une vingtaine d'élèves du collège Dora Maar en Seine-Saint-Denis. Un film dramatique? Surement pas. Un documentaire sur la vie de collégien.nes de banlieue? Encore moins. Un essai sur la réflexion politique de ces élèves dont le quotidien se trouve frappé par les attentats du 13 novembre 2015? Pas vraiment non plus… Un exercice de style sur le cinéma...? Il faut plisser des yeux pour saisir la forme qu'Éric Baudelaire cherche à nous montrer.


D’entrée de jeu, une réflexion sur ce qu'est un film est enclenché. Des élèves de 6e nous donnent leurs points de vue sur la question et Éric nous les présentent entrecoupés de scènes ou les enfants, cette fois-ci plus âgés, sont passés de l'autre côté de la caméra. Par ce biais, on découvre alors des bribes de leurs intimités mais aussi de leur époque et de leur environnement commun, de Saint-Denis jusqu’à leurs salles de classe. Puis petit à petit, on nous donne aussi à voir des conversations à caractère plus politique et des parenthèses un peu plus ludiques - assez proche de ce qu'on imagine être les résultats d'ateliers "court-métrage" ou "bruitage”… En somme, on digresse. On digresse sans cesse à la recherche du prochain moment poétique-ou-politique.


J’ai parfois ressenti un petit malaise vis-à-vis des choix de montage et de réalisation. Même si le fait que les enfants se filment eux-mêmes aident à se convaincre de leurs consentements. Le fait qu’on ne voit pour ainsi dire aucun adulte à l’image durant tout le film à rendu la possibilité de leur présence hors-champ quelque peu inquiétante à mon goût. En fait, dans Un Film Dramatique, c'est le montage qui est remarquable. C'est lui qu’on remarque. Il est la confirmation de la présence des adultes en coulisses. Et pour cause, Éric Baudelaire et la monteuse Claire Atherton ont fait des choix très visibles : ne pas montrer les enfants grandir, ni même apprendre ; dissimuler les parents, le corps enseignant et la majorité de l'équipe de tournage mais pas les faits politiques tels que les attentats de novembre 2015 ou la question identitaire. Des choix qui color le film et forcément me posent question. Que penser de jeunes adolescents s'exprimant sur de tels sujets si brièvement et dans ce contexte si particulier? Nous étions à deux doigts du cliché de l'enfant-éponge absorbant le monde des adultes pour laisser, une fois pressé, une eau plutôt sale au fond de l'évier. Alors que font Éric et Claire? Quelles sont leurs intentions? Difficile à dire tant ils ont cultivé le flou artistique. L’éclatement au profit de l’approfondissement.


Pour conclure, ces enfants sont-ils réellement co-auteurs de ce film comme le suggère son synopsis? Certainement pas. Vous l’aurez compris, d’après moi le sens donné aux images est l'oeuvre d'Éric Baudelaire et Claire Atherton. Il conviendrait donc plutôt de souligner la beauté de certains des gestes proposés par les enfants et sélectionnés par le réalisateur et sa monteuse mais aussi de déplorer le manque d'ambition ressenti devant l'objet final qui, rappelons-le, restitue quatre années de travail. Quatre années fondamentales pour des enfants de 11 ans au départ, quatre années où tout peut encore se jouer, quatre années dont malheureusement trop peu de choses transparaissent dans ce film.

oeLeo
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le 12 janv. 2021

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