Melville est à l'honneur en ce moment dans les cinémas des villes de France. J'ai déjà vu ceux qui sont diffusés à part celui-ci. Je le vois donc. Eh bien il confirme à la fois les forces et les faiblesses de Melville dans mon panthéon des cinéastes. En effet il pousse ici son style très froid jusqu'à son paroxysme. Si la scène du début est magnifique de montage et de tension, le reste du film en devient presque mécanique à force d'éviter les explications et le pathos. Et surtout le film oublie de mettre de la glu entre les personnages. En effet rien n'est montré de qui ils sont à part l'un d'eux. Et il s'agit d'un personnage secondaire. Oui Melville veut nous montrer que la routine du flic passe avant tout le reste. Mais ici c'est carrément sa routine de réalisateur qui passe avant !
Il insiste sur la forme et veut prendre le spectateur à contre-pied. "Il y a un trio amoureux ? Je ne m'en préoccupe pas" semble dire Melville. Mais en même temps cela semble être un élément central. Difficile de suivre cette logique.
Au fond plus je vois de Melville, plus les défauts des films de Melville me sautent aux yeux. Le rythme est toujours le même. Les histoires se ressemblent beaucoup trop (sauf pour l'Armée des Ombres, probablement son chef d'œuvre), il pleut souvent à un moment donné, tout les mecs ont des impers et des chapeaux, les flics sont des durs et surtout les rôles féminins sont réduits à peau de chagrin. Les femmes dans ses films sont bonnes à êtres des images comme ici (Deneuve, magnifique). Ou à être des nunuches traîtres comme dans Le Doulos. Ou être sacrifiées comme dans l'Armée des Ombres ou Simone Signoret est le seul grand rôle féminin chez Melville. Il y a un moment on se demande s'il n'y a pas un peu de misogynie là dessous. Et une série de films qui discrimine à ce point, c'est difficile à comprendre.
De plus Alain Delon est toujours cet étrange objet de médiocrité dramatique. Il est l'outil parfait des réalisateurs. Ils jouent toujours le beau salaud, et il en manque pas à l'appel. C'est tout ce qu'il est capable de faire. Cela suffit me direz vous.
Pour les remarque amusante, on repère une nouvelle fois dans ce film que les adversaires du héros, les "méchants" roulent en Mercedes. Comme dans tant d'autres films ! Autres détail : le passeur dans le train est blond, costaud et a des valises avec un double fond. Il a également son propre compartiment. Ces images font penser à Red Grant dans Bons Baiser de Russie. Et enfin, intercepter un appel à l'époque c'était plus dur : il n'y avait pas encore Echelon ou Prism.
Pour terminer, c'est un film bien réalisé qui montre que pousser sa logique minimaliste trop loin peut vider un film de substance en le vidant d'histoire et de personnages. On peut faire un film minimaliste. Le défaut ici c'est de faire une proposition trop étouffée au départ et de la laisser sans suite.