La première fois que j'ai entendu parler de ce film, c'était via le coup de gueule de son réalisateur - Diastème, que je ne connaissais pas non plus, d'ailleurs -, partagé par un pote sur Facebook. L'individu - Diastème, pas mon pote -, se plaignait de la réticence des patrons de cinémas à projeter un film qui parle de l'extrême-droite, de manière frontale et incarnée. Nous étions fin mai 2015, à peine 4 mois après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher et 7 mois avant les Régionales ; pas mal de monde flippait, et à juste titre ; Le Pen & Co montaient de plus en plus haut dans les sondages ; alors je peux comprendre que les patrons de cinémas redoutent des embrouilles dans leurs salles, même si toute forme de censure, qui plus est d'auto-censure, ne peut être que nuisible à la liberté d'expression.
Puis je lis que cette réticence ne proviendrait pas du climat de peur, mais du manque de croyance dans le potentiel commercial du film. L'info n'est pas anodine, les critiques presse et spectateurs s'avèrent assez mitigées, mais j'avais bien kiffé American History X à l'époque et, peu de temps après sa sortie en DVD, je me décide enfin à le regarder. Et là, je comprends autant le désarroi de Diastème que l'accueil faiblard du film.
Parce que, concrètement, Un Français fait ni dans l'émotion facile, ni dans la proximité malsaine - ce qu'on peut par ailleurs reprocher à American History X, un peu trop simpliste et fataliste -, mais se contente de montrer le parcours d'un p'tit facho qui se rend compte de sa connerie, et avec le recul nécessaire. Et quand on sait que le film est semi-autobiographique, le dégoût de Diastème est légitime. De là à dire que des événements vécus ne peuvent mener qu'à une bonne histoire, ce n'est pas aussi évident...
Alban Lenoir et ses potes ont beau faire le taf, Un Français ronronne tranquillement pendant plus d'1h30, et nous aussi, fatalement. Même en utilisant des procédés narratifs prompts à impliquer le spectateur - le balisage régulier avec des événements réels implique le vécu de chacun, et la chronologie étendue crée inévitablement du lien - ici ça ne marche pas ou peu. Sans doute à cause d'une histoire trop linéaire et attendue, si ce n'est naïve par moments. Non pas qu'on soit dans un album de Martine fait une ratonnade, mais rien, dans le récit, ne justifie véritablement la rédemption du p'tit facho en bénévole à la soupe populaire.
De brûlot antifa, Un Français se mue finalement en dénonciation tiédasse. Et c'est bien dommage, la société actuelle aurait mérité un bon coup de latte dans les parties pour qu'il n'y ait plus jamais de 20%.