Étude d'une perturbation autour de la résistance

"Un homme de trop" dispose de plus d'arguments intéressants en tant que premier film de Costa-Gavras qu'en tant que film de guerre qui tente d'instiller une thématique originale dans un cadre très classique. Mais tout dépend de ce qu'on vient chercher dans un tel registre cinématographique, autant le dire tout de suite, car il me semble que dans son créneau, il ne s'en sort pas si mal. Dans sa captation de la fuite d'une troupe de résistants évadés, affublés d'un homme en trop éponyme dont ils ne savent pas vraiment que faire, c'est un mouvement qui me paraît même réussi. Simple, sans grande surprise, mais doté de ces petites touches singulières qui alimentent une certaine curiosité.


C'est un film de guerre un peu difficile à appréhender car des touches comiques (d'une amplitude mineure, toutefois) parcourent régulièrement les moments les plus dramatiques, à la tension palpable. C'est un procédé qui peut dérouter... comme de voir Claude Brasseur, assis au milieu d'un bus rempli de résistants déguisés, avaler une balle de fusil devant un officier allemand en déclamant "ah, j'avais perdu mon comprimé !". À ce moment précis, on ne sait pas s'il faut rire. Étrange, mais pas désagréable. Beaucoup plus agréable, en tous cas, que les très nombreuses tentatives narratives d'instiller le doute quant à la sincérité du fameux homme en trop, sous les traits de Michel Piccoli, avec un trop grand nombre de séquences à la tension artificielle. Costa-Gavras voulait "montrer que quand quelqu'un est perçu comme un traître, c'est fini pour lui : quoiqu'il fasse, même s'il est innocent, il suscitera la méfiance." L'intention est louable, le résultat n'est par contre pas tout à fait à la hauteur.


J'aurais bien aimé que le symbole quasiment allégorique contenu dans le personnage de Piccoli soit davantage approfondi. C'est la figure récurrente de celui qui semble ne pas choisir son camp, de manière passive ou à dessein, mais il me semble que la question n'est pas suffisamment bien posée dans le film. Tout simplement, est-il possible de n'appartenir à aucun camp dans ce type de guerre, impliquant directement son pays ? Et quid des guerres auxquelles on contribue de manière moins directe ? On sent bien que cette thématique est extrêmement dense, et toutes les pistes de réponse méritent d'être explorées. Mais la position de paumé de Piccoli, au bon/mauvais endroit au bon/mauvais moment, ne me paraît pas suffisamment intelligible pour nourrir une réflexion solide dans cette direction. Tout juste une illustration.


Pour le reste, les pérégrinations de cette troupe protéiforme dans les différents espaces du maquis ne sont pas pour me déplaire. Et il y a Bruno Cremer.

Créée

le 11 avr. 2017

Critique lue 548 fois

7 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 548 fois

7

D'autres avis sur Un homme de trop

Un homme de trop
oso
7

Le maquis s'amuse

Dès son deuxième film, Costa-Gavras faisait preuve d’un féroce sens de l’image. La mise en scène d’un homme en trop est mue par une ambition farouche et un savoir-faire à sa hauteur. Qu’il s’agisse...

Par

le 1 juin 2017

16 j'aime

8

Un homme de trop
Plume231
5

Le treizième homme !!!

Un budget très conséquent pour une production française, le co-producteur à l'époque des James Bond Harry Saltzman à la production, un casting de méga-gros-malade de la mort de bombes de charisme et...

le 19 mars 2017

11 j'aime

4

Un homme de trop
JeanG55
7

Un homme de trop

"Un homme de trop" est un film que je voulais revoir. Seulement, il n'était plus réédité en DVD individuel (comme "Compartiment tueurs") à mon grand dépit ... Et puis, la maison d'édition a dû...

le 30 mai 2021

9 j'aime

10

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11