Attention, cette critique se base sur la conclusion du film.


Un homme idéal prouve, dès son introduction, que le cinéma de genre n'est pas mort avec la déchéance de la carrière de Luc Besson; il se pose alors comme une nouvelle alternative au thriller américain en nous proposant une vision plus humaine, personnelle, restreinte du thriller version huis clos, loin de l'étouffante violence instaurée par le Reservoir Dogs de Tarantino, et d'autres films de référence dans le genre déchéance d'un homme qui ne rêvait que de réussite.


Le film, réalisé par Yann Gozlan (que je découvre à l'instant), évite avec malice les pièges du genre, dont un pathos forcément attendu au tournant de sa conclusion; s'il s'enferme dans quelques clichés visuels (le fameux regard plein d'espoir vers ce plan vide, que le personnage principal occupait l'instant d'avant), cet Homme idéal aura au moins le mérite de vouloir apporter du neuf à ce cinéma de divertissement français qui ne brille plus que par ses comédies populaires et peu reluisantes, et donne enfin l'espoir de voir, pour les années à venir, quelques autres films d'auteur à succès et honnête, qui allient parfaitement détente et réflexion.


Parce que derrière ses airs de thriller étouffant, Gozlan assène à son oeuvre une réflexion sur la valeur de l'honnêteté face à l'autre quand il ne connaît pas la vérité de l'histoire; devenu célèbre en usurpant l'identité d'un défunt, que rien ne semble relier au monde de l'écriture et de la célébrité, faut-il culpabiliser s'il n'y a pas de véritables retombées? C'est au moment de l'accusation que le film évite tous les pièges : les retombées, à échelle humaine, gardent un certain réalisme, et les réactions de Niney, logiques, ne tombent pas dans des excès de violence à l'américaine, et qui auraient pu, aux vues du ton juste de l'oeuvre, complètement gâcher la pertinence de son propos.


Il n'y a personne de réellement mauvais, ici : seulement des gens sans talent qui arnaquent les autres pour briller un peu, qui leur mentent pour épouser leur vie aisée, et s'élever de ce quotidien banal entre les souvenirs d'une vie qui semble rêvée, et le tri des déchets de personnes décédées. Entre peinture sociale, critique de la nature humaine et espoir des amants de tendre vers une fin heureuse, Un homme idéal a l'intelligence de ne pas se conclure sur une note heureuse et triste, et de faire revenir la question du sacrifice comme ultime moyen de rattraper ses pêchés démesurés.


Une fin ironique, amorale, qui laisse pensif sur les répercussions du mensonge, et que l'on suit sans savoir que dire, tant elle est portée avec justesse par un Pierre Niney qui, autrefois jeune espoir, s'est imposé avec ce film comme une référence du cinéma français contemporain. Fragile, malin, il campe un protagoniste à la personnalité très bien travaillée, auquel on peut s'identifier dans cette volonté de gravir l'échelle sociale à tout prix, quitte à mentir et commettre les pires choses pour (sur)vivre en paix.


Il est aussi attachant pour sa volonté à se faire publier tandis qu'il n'a que peu de talent, pour cette naïveté de conviction l'amenant finalement au succès, un succès qu'il contrôle si peu qu'il en devient, en conclusion, talentueux. Un homme idéal pose une conclusion intéressante : le talent, acquis avec le temps, ne consiste pas en l'association d'idées géniales avec une plume particulière; c'est que l'on croit lors de la publication de son faux premier roman, Sable Noir.


Non, c'est à la publication de son premier vrai bouquin, Faux-semblants, que le film pose son propos : le talent, c'est mêler son art avec sa vie pour atteindre la justesse de son propos. Niney bluffe enfin son monde de manière sincère, artistique, et montre, avec ironie, qu'il aura fallu toute une série de drame pour faire ressortir le génie de l'homme. Une vision des choses intéressantes qui invite à la réflexion, et gagne en solidité grâce à la réussite formelle d'Un homme idéal, preuve que Gazlan possède, par sa gestion du rythme, de la tension et de ses personnages, un grand talent pour la mise en scène. Alors, talent inné ou acquis, réussite d'un coup ou véritable tête montante des réalisateurs français? On verra avec ses autres oeuvres.

FloBerne

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