Une séparation est toujours douloureuse, surtout après le grand amour. Il faut du temps avant d’envisager de renouer une relation apaisée avec l’être aimé. C’est ce qu’il se passe avec nous avec le cinéma de Hong Sang-soo. On s’était découvert à l’occasion de Turning Gate, un coup de foudre qui nous avait poussés à en savoir un peu plus sur ce séduisant cinéaste coréen. Déjà l’auteur de trois longs métrages (aux noms poétiques) à l’époque, on est très vite tombé dans le piège de l’addiction. Nous n’étions pas seulement enivrés par notre amour pour le cinéma, mais aussi par l’alcool et les femmes. On se retrouvait dans un style de vie, ses films nous étaient adressés.


Notre histoire d’amour a duré le temps d’une dizaine de films. Certes, comme toute liaison il est arrivé d’être déçu par ses mauvais penchants arty, mais il était difficile de résister au charme du cinéaste lorsqu’il est revenu vers nous pour nous offrir : In Another Country. Petit chef-d’œuvre de mise en scène, d’humour c’est surtout un grand bol d’air frais dans sa filmographie. Après avoir fait du pied à Eric Rohmer avec son Conte de cinéma, HSS nous proposait un bel hommage à Isabelle Huppert. Bien que léger sur le ton, épousant la forme de la franche comédie, In Another Country se révélait surtout d’une prodigieuse complexité dans la construction de ses plans séquence et surtout par l’utilisation de ses décors. Hong Sang-soo a sans doute trouvé avec ce film l’équilibre parfait entre ses obsessions thématiques, sa signature de cinéphile, sa volonté d’inscrire son cinéma un genre populaire, et un renouvellement constant dans la forme.


Après un tel orgasme cinématographique, la suite fut moins heureuse malheureusement. Il est dit que les problèmes d’argent n’aident pas à stabiliser une histoire d’amour et il est vrai que tout comme nous, Hong Sang-soo a du faire face à la crise. Tout comme d’autres cinéastes en Corée ou ailleurs, il était pour lui de plus en plus difficile de faire des films. Ses ambitions à la baisse, il s’est depuis contenté de sa petite caméra numérique et s’enfonce alors dans un rapport autiste à son cinéma. Ce qui nous déplaisait sur Oki’s Movie prend depuis toute la place. Un travail indéniable sur le forme qui peut être vu par certains comme des propositions expérimentales, mais qui trahissent l’angoisse du cinéaste a un récit qu’il n’arrive plus à renouveler. Un jour avec, un jour sans reflète l’impasse dans laquelle se trouve Hong Sang-soo. À l’image d’un Miguel Gomes et ses 1001 Nuits, Hong Sang-soo cherche à étendre en longueur son histoire à la recherche de l’idée créatrice qui pourrait renouveler son cinéma. L’idée est ici de dupliquer un film entier, et plus seulement des plans, des séquences ou le récit, et de le recommencer. La logique est toujours la même : c’est juste plus long (2 h). Il faut le dire, cette longueur artificielle n’apporte rien à son cinéma. Dans son très beau film, Matins Calmes à Séoul, l’alter ego du cinéaste ne cessait de supplier l’étudiante dont il était amoureux de le pardonner. On a malheureusement la même désagréable impression avec un jour avec, un jour sans : le cinéaste lui-même se met à genoux devant nous pour nous montrer qu’il est toujours le même. Peut-être s’agit-il ici de la fin d’une histoire d’amour ?


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m_gael
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le 18 févr. 2016

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