A Rainy Day in New York, c'est un film qui parle du cinéma, qui se regarde parler du cinéma, qui est conscient que c'est du vu et revu, alors il exagère ce trait au maximum, comme pour se moquer de lui-même. C'est du Woody Allen, quoi. Tout est exagéré, depuis les hoquets ridicules de Elle Fanning jusqu'à la révélation complètement loufoque de la mère, en passant par la figure du brun ténébreux qui boit du martini et joue du "cocktail piano" pour lui-même dans les bars new yorkais.
C'est presque du théâtre. De la poésie et du cinéma en même temps. On sait ce qu'il va se passer et les acteurs sur-jouent leurs rôles, mais au moment où ça se passe, ça fait un bien fou, une catharsis inhabituelle pour une comédie romantique. On notera d'ailleurs le nom du personnage principal : Gatsby Welles. Comment ne pas l'associer à Gatsby Le Magnifique et Orson Welles ?
Contre toute attente, j'ai trouvé ce film assez féministe. Je me trompe peut-être. Mais le personnage d'Elle Fanning m'a beaucoup touchée autant qu'elle m'a agacée : journaliste un peu naïve, elle essaie d'interviewer les hommes du cinéma. Et jamais aucun ne répond à une seule de ses questions. Ils lui répondent toujours par une question d'ordre personnel ou une affirmation qui l'est tout autant : "comment tu t'appelles ?", "est-ce que tu as un petit copain ?", "tu me fais penser à ma première femme." Ca a commencé à me titiller. Mais Ashleigh garde toujours son enthousiasme débordant, se croyant presque dans un rêve. Je me plais à me dire que Woody Allen fait ici une caricature du monde hollywoodien qui n'accepte de faire entrer les femmes dans son cercle que par leur dimension érotique, physique, sensuelle, romantique. Seul Gatsby a pleinement confiance en sa dulcinée : il est vaguement jaloux certes, mais plutôt car Rolland Pollard,
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en même temps que de monopoliser le temps de sa copine, lui vole un week end romantique et plein de démesure à New York. A mille lieues d'imaginer que sa copine pourrait séduire (ou plutôt, ce qui est suggéré, c'est qu'elle serait séduite et n'arriverait pas à lutter), il finit par lui téléphoner, en lui précisant qu'il adore le fait qu'elle soit ambitieuse, et qu'il ne veut en rien la gêner dans son interview, mais qu'il veut passer du temps avec elle. C'est Chan qui le pousse à évoquer l'idée de l'infidélité.
""". Je vous l'accorderai volontiers, c'est du féminisme à demi-mots, du cynisme vaguement militant, mais suffisamment présent dans les recoins pour le noter.
Finalement, ce film, c'est un peu un film d'apprentissage. Deux jeunes gens amoureux et ayant confiance l'un en l'autre rencontrent le monde du jeu et du mensonge, de la séduction, mais aussi du harcèlement, de la virilité, de la sexualisation permanente des femmes. L'un finit par être jaloux, l'autre finit par accepter les avances d'une grande star de cinéma. Et l'attention finale de Gatsby est magnifique : nous ne sommes pas heureux ensemble, pourquoi faire comme dans la vraie vie, on veut tous les deux quelque chose d'extraordinaire, digne du cinéma, moi je veux embrasser quelqu'un sous la pluie à central park, toi tu veux être emmenée par le tourbillon de ton métier, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout ? Quand on a goûté une fois au cinéma, c'est si dur de s'en priver par la suite...