Voilà un film de Mocky que je ne connaissais pas. Il a fallu la critique d'un éclaireur sur SC (pierrick) pour attirer mon attention sur ce film.
C'est que l'enjeu est de taille car les films de Mocky dans la première partie de sa carrière ne manquent souvent pas d'intérêt …
Le scénario est tiré d'un roman américain d'Horace McCoy publié dans la Série Noire (le n° 4 …), que je ne connais pas et donc n'en parlerai pas…
Le sujet est croustillant : un journaliste, Dolannes (Jean-Pierre Mocky) qui se défend d'avoir la moindre attache politique, considère qu'il est de son devoir de dénoncer des scandales ou des malversations ou l'hypocrisie ambiante dans certains milieux. Le problème, c'est que la presse n'est pas vraiment indépendante ; le journaliste refuse cette sujétion et décide de fonder son propre journal. Rapidement, Dolannes va trouver sur son chemin des patrons ou des responsables politiques qui n'apprécient guère qu'on donne leurs petites combines ou leurs petits secrets en pâture au lecteur avide de sensations et de vérité. Mais notre Mocky, qui n'est pas manichéen pour deux sous, met dos à dos ceux qui "possèdent" la presse (les patrons), ceux qui utilisent la presse (les politiques) et ceux qui se sont rendus, après-guerre, maîtres des organes d'imprimerie, à savoir le PCF.
Bien sûr, j'ai dit que Dolannes se défendait d'avoir la moindre attache ou opinion politique ; c'est bien mais ça a un drôle d'inconvénient, c'est que ça ne donne pas les moyens financiers – indispensables – pour garantir l'indépendance du journaliste désireux de mieux pourfendre l'impie. Mais heureusement, il y a les copines, en veux tu, en voilà, prises de préférence dans la bonne bourgeoisie (riche), qui tombent comme des mouches à l'évocation du nom de Dolannes … et répondent positivement aux sollicitations du Don Juan. Un véritable festival, que dis-je, un Carrousel ! Pas étonnant que Jean-Pierre Mocky se soit réservé le rôle (du mâle alpha au milieu de la volière) …
Alors, il y a le style Mocky, l'ironie toujours présente, la caricature permanente. À l'époque, d'autres cinéastes (Boisset, Costa-Gavras, etc …) mettaient en scène des affaires ou des magouilles dans lesquelles le monde de la politique (et des médias) trempait allègrement. Mais le genre était traité ou dénoncé sérieusement, basé sur une documentation précise. Là, il faut bien reconnaître que Mocky n'adresse rien de très précis et reste sur des affirmations générales ou probables, comme les financements de clubs de foot ou le député anti-avortement, ancien médecin qui en avait réalisé clandestinement. Ce qui transparait dans le film, c'est que tout ce beau monde est dans l'obligation de se tenir solidaire face à l'adversité, ce qui conduit à un film à tiroirs car une affaire en entraîne une autre ou en dévoile une nouvelle, complexifiant sérieusement les relations des différents personnages, donnant une impression nette de "tous pourris".
Là où le film est remarquable, c'est dans le casting car Mocky rassemble un grand nombre d'acteurs très connus de l'époque. En tête, Jean-Pierre Marielle dans le rôle du député -médecin cherchant toujours, mielleusement mais fermement, à arrondir les angles comme il sait bien le faire. Michel Galabru en patron de presse – servile par force ou par devoir - aux ordres des patrons, s'opposant de fait aux libertés prises par Mocky. Et puis Michael Lonsdale dans le rôle d'un banquier cocu, Michel Constantin dans le rôle du typo communiste pur et dur, Daniel Gélin, Michel Serrault, Jean Carmet, etc …
Une petite mention pour Francis Blanche dans un petit rôle qui dut être doublé au moment de la post-synchronisation du fait de son décès. Le personnage étant d'origine russe, on croit même reconnaître la voix qu'il avait adopté dans le film "les barbouzes".
Côté féminin, le casting repose sur plusieurs actrices que je ne connais pas à l'exception de Sylvia Kristel qui venait de tourner son fameux "Emmanuelle" et qui a un rôle, ici, assez déshabillé, il faut bien avouer (comme d'ailleurs les autres actrices) … Tout ceci semble n'avoir pas été suffisant pour assurer le succès au film.
Pour finir, le film se veut être un brûlot avec des dialogues parfois féroces. On y retrouve un style d'humour, "bête et méchant" que prônait certains journaux de l'époque comme Hara-Kiri … Mocky, comme souvent à cette époque, n'est pas dans la dénonciation précise mais plutôt dans la satire générale et débridée contre les milieux médiatico-politiques, hypocrites et cupides. En arriver à imaginer une alliance entre les patrons et les communistes pour pouvoir mieux s'opposer au journaliste "intègre", il fallait s'appeler Jean-Pierre Mocky pour y penser …