Un p'tit truc en plus dans le cinéma français

A mon tour, j’ai été voir ce petit film sans grande prétention autre que de servir un film vrai, non pas en raison de son démarrage canon lors de sa première semaine d’exploitation en salle, mais bien parce qu’il faut bien reconnaître que le cinéma français a un pt’it truc en plus tant il sait traiter le handicap sous toutes ses formes. Plusieurs exemples viennent corroborer mes dires. Entre « Intouchables » (avec François Cluzet, Omar Sy et Audrey Fleurot), « Mention particulière » (avec le surprenant Bruno Salomone et la touchante Marie Dal Zotto), « De toutes nos forces » (film inattendu parce que pas prévu dans les projets du cinéaste avec Jacques Gamblin), et « Patients » (premier film de Grand Corps Malade qui raconte SON histoire), pour ne citer qu’eux, force est de reconnaître est que le cinéma français nous livre à chaque fois une œuvre qui rassemble le public et le touche au cœur en lui faisant du bien.

Encore qu’Artus, comme il l’a confié lors d’une interview, ne voulait pas faire un film sur le handicap en lui-même, mais de démontrer ce dont sont capables les personnes handicapées mentalement, un handicap allié ou pas avec la motricié. La preuve par cet hommage au cours du générique de fin, par les remerciements envers ces personnes en situation de handicap, considérées comme des personnes qui ont un p’tit truc en plus. Et ma foi, je crois qu’il a réussi malgré les obstacles qu’il a dû raconter. Oui, des obstacles, car il faut bien reconnaître que le handicap effraie bon nombre de personnes, alors quand il s’agit de les mettre au premier plan… Sans compter de la difficulté à tourner avec des personnes en situation de handicap mental ! On ne peut pas dire qu’Artus, pour son premier film en tant que réalisateur, ait choisi la facilité. En revanche, on peut dire que ce film est une réussite totale, la preuve par le tonnerre d’applaudissements qui a retenti à l’amorce du générique de fin.

Dès le générique de début, de par sa simplicité extrême, on remarque le budget minimaliste (6,4 millions d’euros). Comme quoi, on peut faire des films sympas avec un petit portefeuille. On peut cependant faire aussi le parallèle avec le budget limité dont bénéficient des centres spécialisés.

Mais voilà, avant de mettre en ligne cet avis, j’ai tout de même pris le temps de compléter mes informations auprès de ma fille qui travaille dans un centre pour handicapés mentaux. Il y a un peu de tout, comme pensionnaires. Et finalement, elle me confirme que le fond du film est vraiment très près de la réalité, car en effet, même s’il y a des moments difficiles, les pensionnaires apportent vraiment autre chose que les personnes dites normales, à tel point qu’on s’y attache de façon irrémédiable. Cet aspect est d’ailleurs très bien rendu par l’intermédiaire du personnage d’Alice, rôle dans lequel Alice Belaîdi est absolument parfaite. Y compris du côté de Paulo (Artus), comme du côté de La Fraise (Clovis Cornillac), dont on sent la rudesse se fissurer à plusieurs reprises. Ces handicapés sont vraiment sans filtre, et donc fatalement, il n’y a pas de coups bas, pas d’entourloupes, en tout cas rien qui puisse vous faire du mal moralement, incapables qu’ils sont de fomenter des entourloupes comme les gens normaux en sont parfois capables simplement parce qu’ils ne pensent qu’à leur propre intérêt. Cependant j’aurai aimé que l’hommage soit rendu aussi envers les éducateurs, tout simplement parce que ce n’est pas donné à tout le monde de s’occuper des handicapés, et que c’est grâce à eux que ces derniers peuvent s’épanouir. Il ne faut pas oublier que les handicapés ne sont pas tares de la société, mais bel et bien des êtres humains et qu’en tant que tels eux aussi ont le droit d’exister et méritent qu’on s’intéresse aussi à eux.

Alors certes « Un p’tit truc en plus » n’est pas parfait car il tombe dans quelques facilités, la principale étant dans l’intrusion au tribunal. Mais aussi par l’oubli du véritable Sylvain (pour qui c’est l’éclate totale) dont on ne sait absolument pas ce qu’il devient après son périple de folie. Mais ce film fait tellement de bien qu’on lui pardonne aisément ces facilités qu’on qualifiera de maladresses, peut-être même provoquées par un manque de budget.

Artus a eu tout de même la bonne idée d’intégrer quelques bons gags à lui, avec un personnage haut en couleurs en la personne de Marc (Marc Riso). Je ne peux en dire plus afin de ne pas ruiner l’effet gaguesque de certaines situations si vous n’avez pas encore vu ce film.

Quant à Artus, dont je disais plus haut qu’il n’avait pas choisi la facilité pour les raisons que j’ai invoquées, a rajouté une autre difficulté en se mettant aussi devant la caméra. Et il est très bon aussi, notamment quand il essaie de se fondre dans la masse des handicapés. Mais on remarquera aussi ce regard non feint qu’il a envers les handicapés, un regard empreint d’attachement.

En somme, on tient là un vrai bon moment de cinéma qui vous fera oublier au moins pendant 1h40 la sinistrose provoquée par la crise Covid et de tout ce qu’elle a engendré. D’autant que ce film bénéficie d’un casting parfait, notamment du côté des handicapés. On en ressort l’esprit léger et satisfait, et on a envie de dire merci Artus.

Stephenballade
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le 12 mai 2024

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