Que la défaite commence
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Le film commence par son titre. Un titre aussi long, ça mérite bien une scène entière pour l’illustrer. Ça mérite un plan d’une profondeur vertigineuse qui nous aspire dans cet univers froid et clinique. Et le pigeon ! C’est qu’il est bien perché ce pigeon. Et sacrément mort.
La mort justement. On rencontre nos personnages, numérotés, pâles, pathétiques et tristement comiques. Ils n’ont aucune prise sur leur environnement, la routine les maintient debout comme une béquille, ils s’effacent devant le grand dessein cosmique. A tel point que le mort n’est qu’un élément du quotidien et ne parvient même pas à faire dévier d’un iota le bulldozer de la routine qui néglige cette mort donnant aux situations un ton tragi-comique très amer.
Roy Andersson a un sens du rythme exceptionnel. Il compose chaque scène comme un tableau dans lequel rien ne bouge vraiment. On aperçoit dans le fond des personnages un peu paumés, se demandant s’il y a un sens derrière tout ça après tout. Au premier plan des touches de non-couleurs glaciales, des hommes et des femmes prostrés. Ayant passé trop de temps dans une pièce, ils se sont incrustés dans le tableau et seule cette présence un peu gênée dans le cadre semble les tenir en vie. La caméra posée, on a plus qu’à s’installer et observer ces situations grotesques, incongrues, jalonnées de cet humour noir qu’on retrouver toujours chez notre cinéaste nordique. Car c’est précisément ça qui fait la force de ce film, le rapport au temps. Andersson nous propose de voir ses personnages évolués en temps réel, de les voir réussir ou échouer, vivre ou mourir et dilate le temps pour tenter de saisir l’infime instant pendant lequel la vie peut avoir un sens.
Nous voilà donc bien avancé, Andersson lui-même ne sait pas quoi faire de tout ça. Comme un enfant un peu penaud, il nous tend doucement le film en regardant ses chaussures, lui a échoué, il n’a vu qu’un chaos millimétré et le grondement absurde de l’existence. Qu’est-ce qu’on peut en faire, nous, de ce film. On voit les personnages se mouvoir à peine, on les voit parler sans s’écouter, aliénés, cloués au sol et paralysés par des questionnements interminables. La mort-même, désacralisée, n’a rien d’excitant et perd son ineffable profondeur. Il n’y a plus de mort, une vie rigide et cristallisée et un néant insondable qui absorbe tout ce qui est. Couleur, espoir et désespoir, désir et plaisir, souffrance et mort.
On traverse le cadre et puis on crève, après tout. Un pigeon mort ça réfléchit pas trop, de toute façon.
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Créée
le 14 nov. 2016
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