L’affiche ne laisse planer aucun doute, ce film est une comédie qui ne fait pas spécialement dans la finesse. L’argument de la recherche d’un magot n’est qu’un prétexte et les scènes qui y font référence amènent peu de variations. L’intention du réalisateur est visiblement de passer le milieu scolaire à la moulinette de son humour potache. Irrespectueux et sans complexe (vulgarité assumée), couleurs vives, voyantes et flashy, BO parfois envahissante, ce film a très bien marché en Allemagne (plus de 7 millions de spectateurs en 2013). Un succès probablement dû au plébiscite du public adolescent. Les ados en milieu scolaire, version germanique ? Oui, c’est un peu lourd, kolossal diront les fans. Mais si le spectateur français risque d’abord l’incompréhension devant l’engouement teuton, force est d’admettre qu’on peut se laisser finalement embarquer dans une ambiance dont on prend vraiment la mesure lors du générique de fin qui montre à quel point les acteurs font des efforts pour rester dans leurs personnages alors que ceux-ci enchainent connerie sur connerie. Si j’ai remarqué deux spectateurs sortir en cours de séance, j’ai également vu tout un groupe rester debout pour profiter du bêtisier illustrant le générique de fin.


Un petit malfrat, Zeki Müller (Elyas M’Barek) sort de prison après avoir purgé une peine de 13 mois. Abordé alors par une fille sexy habillée de façon voyante, on se demande la raison du tête-à-tête. Plus tard, la fille se trémousse très légèrement vêtue accrochée à une barre dans une boîte pour voyeurs. Plus ou moins vénale, Charlie (Jana Pallaske) est la copine attitrée de Zeki. Celui-ci avait réussi un beau coup. Pendant qu’il était à l’ombre, Charlie s’est contentée de cacher le magot en attendant que l’affaire se tasse. Elle sait retrouver l’endroit mais n’avait pas compris qu’il s’agissait d’une école en construction… Qu’à cela ne tienne, puisque le magot est dans l’école, Zeki va entrer dans l’école. A la suite d’un quiproquo, il se fait engager comme prof remplaçant !


Tout est critiquable dans ce film. Le scénario est cousu de fil blanc. L’humour potache ne vole pas très haut (c’est d’abord affligeant), les personnages sont franchement caricaturaux et le tout véhicule un incroyable mauvais goût, avec des couleurs constamment criardes sur des images saturées. Zeki est un jeune homme à l’aise dans ses baskets qui va tomber sur Lisa (Karoline Herfurth), jeune prof apparemment coincée qui va évidemment tomber amoureuse de lui. Bien entendu, sans aucune connaissance à enseigner (et aucune idée de ce que peut être la pédagogie), Zeki va réussir des miracles avec la classe de troisième qui donne des cauchemars à tous ses profs.


Les profs, parlons-en. Ils sont engagés à la va-vite par une directrice qui ensuite ne veut rien savoir des difficultés qu’ils rencontrent avec leurs classes. Ils passent d’une discipline à l’autre sans qu’on comprenne comment ni pourquoi (Lisi dirige une activité à la piscine où, comme par hasard, Zeki va intervenir à brûle pourpoint). Zeki va évidemment séduire tous les élèves, alors que sa stratégie est juste d’annoncer au début que tout le monde à 20… tant qu’on ne l’emmerde pas. Il n’hésite jamais sur les moyens pour faire rentrer dans le rang les élèves récalcitrants, allant jusqu’à jouer les Rambo avec une arme de paintball. A sa décharge, on note bien évidemment que ses élèves ne lui font aucun cadeau de bienvenue.


Du goudron et des plumes, c’est ce que mériterait le réalisateur (Bora Dagtekin) pour la grossièreté des effets qu’il utilise pour mettre dans sa poche des spectateurs qui ne demandent qu’à s’amuser de n’importe quoi. On lui pardonne pour avoir réussi à illustrer cette image du tricheur aux dépens de son personnage principal. Dans cette version germanique des sous-doués, le réalisateur a aussi le mérite de garder son cap de bout en bout. Et, même si son film tarde à arracher de vrais rires, il aligne les situations loufoques avec une belle régularité. Gags de situation, mimiques, quiproquos, effets pipi-caca assumés, etc. C’est parfaitement adapté à la bande de zozos que le film montre. Ils sont tellement bêtes (et méchants) que le premier venu (Zeki en l’occurrence) réussit en deux temps trois mouvements à leur faire croire qu’ils sont intelligents et bourrés de qualités. Résultat, même si c’est à leur manière (très personnelle), ils vont jouer Shakespeare sur scène et se révéler scolairement (crédibilité : zéro). La pédagogie en prend un gros coup au passage, puisque la très appliquée Lisi est à deux doigts de se faire virer, alors que Zeki gagne honteusement en reconnaissance. C’est anti-éducatif au possible, mais ça soulage de sentir le système scolaire allemand aussi vulnérable que son homologue français. Certes, ici tout est caricatural et rempli de clichés. Voir les habituels clivages selon les caractères, milieux sociaux et capacités intellectuelles des élèves. Pourtant, des intellos-coincés échappent à une honteuse raclée et finissent par se faire apprécier. Quant aux gros bras, ils finissent par mettre en valeur leur vocabulaire limité.


Avec ses choix assumés, voilà un film qui va au-delà de la comédie lourdingue, sans pour autant se prendre au sérieux un seul instant. Un film peut-être légèrement surnoté (influence de l’état d’esprit affiché par Zeki ?) pour son jusqu’au-boutisme et quelques détails inattendus. Ainsi, la grande gueule chez les filles s’appelle Chantal Akermann. Quel sera le pourcentage des spectateurs à avoir vu un de ses films ? Les paris sont ouverts !

Electron
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le 20 nov. 2014

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