C'était sympa.
J'aime bien ces histoires de types qui se vengent sans arme ni violence, simplement en élaborant des combines géniales destinées à ébranler méthodiquement mais impitoyablement l'existence des sujets de leur rancune, en leur faisant perdre ou – pire – renoncer à ce à quoi ils tiennent le plus. Les tuer platement serait trop simple et trop doux : les détruire émotionnellement, au point de les amener à baisser les bras et embrasser un sort qui leur aurait – jusqu'à la mise en branle dudit plan machiavélique – semblé inenvisageable, est beaucoup plus cruel… et donc beaucoup plus jouissif pour nous autres féroces spectateurs. Ça marche pour le Pierre Fresnay blessé (au cœur) des Condamnés comme ça marche, deux ans plus tôt, pour le Louis Jouvet blessé (au cœur... et au corps) d'Un Revenant.
Louis Jouvet qui revient ici dans sa Lyon natale, vingt ans après que son meilleur ami lui a tiré dessus pour mettre un terme à sa liaison avec sa sœur – aujourd'hui recasée avec un nouvel homme, désormais beau-frère et associé du meilleur ami –, dans l’optique de se venger de tout ce beau monde, mais sans jamais lever la main sur personne, en utilisant pour seule arme que son verbe. Et quel verbe ! Parfois drôles, souvent spirituels, toujours élégants : les dialogues d'Henri Jeanson, pleins de bons mots et de belles phrases, sont un réel plaisir à écouter, à plus forte raison débités par une telle distribution – Jouvet en tête. Jouvet (dont le personnage s'appelle Jean-Jacques Sauvage, bordel – y’a pas à dire, c'est autre chose que tes nom et prénom de victime) qui, sans surprise, bouffe l'écran et tous ses partenaires (seul Jean Brochard rivalise niveau présence). C'est un réel plaisir de le regarder et l'écouter monter étape par étape sa vengeance.
Puis le film est ponctué d'idées de cinéma sympas, comme cette séquence de retrouvailles entre Jouvet et Gaby Morlay, qui dialoguent sur une scène de théâtre dont les décors sont commutés au gré des consignes de Jouvet (un bon plan drague, si vous avez un jour en main les clés d'un théâtre et un complice dévoué) ; ou bien ce flash-back narré par Jouvet qui se déroule sans qu’aucun personnage n’apparaisse jamais à l'écran, la caméra se baladant dans une maison complètement vide habitée par la seule voix-off, les portes s’ouvrant et se refermant toutes seules, les fleurs effleurées vibrant toutes seules… un procédé amusant que je crois n’avoir encore jamais vu jusqu'ici.
Bref : c’est sympa comme tout.