Volet inaugural de la trilogie du Sabreur Manchot du prodigue et prodigieux Chang Cheh Un Seul Bras les tua tous ouvre le bal d'un Cinéma pétri de séquences de combats au sabre pour le moins jubilatoires et de personnages tour à tour pittoresques et pleinement archétypaux. Sous des dehors bigarrés, au gré d'une esthétique et d'un générique évoquant l'âge d'or du western à l'italienne des années 60-70 cette première aventure du sabreur manchot est à la fois un superbe wu xia pian aux envolées lyriques proprement saisissantes, un film de kung-fu aux allures de métrage programmatique jusque dans son éloquent intitulé ainsi qu'un mélodrame au cœur duquel un chevalier devra choisir entre le code d'honneur hérité de son maître d'armes et l'amour sécuritaire d'une paysanne rechignant aux ambitions démesurées de son bien-aimé...
Extrêmement codifié et magnifiquement cadré, monté puis découpé à renfort de lignes de force pleinement idoines, de détails faramineux et de postures hautes en couleur ledit film n'a certes pas la virtuosité technique et chorégraphique du somptueux La Rage du Tigre mais bénéficie néanmoins d'une intrigue plus touchante et plus sensible, offrant à la belle Chiao Chiao un personnage féminin des plus émouvants et réconfortants. Toutefois la dimension viriliste du Cinéma de Chang Cheh est déjà là, prégnante et presque accaparante, magnifiée par les précieuses consultations artistiques du grand Liu Chia Liang ( autre grand réalisateur productif des studios de la Shaw Brothers...) mettant sur le devant de la scène un Wang Yu faisant face à la sournoiserie du terrifiant Démon du Fouet, sublimée dans un ultime combat au sabre partiellement tourné en caméra à l'épaule...
Audacieux, probablement moins généreux que La Rage du Tigre sur le plan purement spectaculaire mais davantage en matière de dilemmes intimistes et sociétaux ( la scène où les disciples de l'antagoniste sus-cité s'en prennent à la perfide mais ravissante Qi Pei dans les arcanes d'un souterrain est d'une insolence visuelle et morale particulièrement osée pour l'époque...) Un Seul Bras les tua tous fait donc figure de jalon dans la production hong-kongaise des années 1960, véritable film d'exploitation tenant entièrement ses promesses tout en proposant une figure héroïque toute en panache et aspérités. Unique.