En début d’année 2020, alors que les couvre-bouches et le fameux mètre vital n’étaient pas encore démocratisés, le nouveau film des frères Safdie sortait en France à travers la révolution, qui prend déjà bien son pli, de la plateforme numérique. Près de trois ans après la claque furieuse et tragique que fût Good Time, Josh et Benny Safdie n’ont encore pas choisis de délaisser leurs cinéma coups de poings, véritable secousse urbaine et humaine, sur le bas-côté de la route. Uncut Gems s’avère ainsi pour moi comme le meilleur film de la triste année 2020 à moitié couverte par le masque. Sur mon petit écran, c’est un film électrique qui s’élabore. Un film capable de faire disjoncter à tout moment notre ordinateur ou tablette, et ainsi lessiver son spectateur après deux heures passées avec l’imprévisible Howard Ratner. Dés l’introduction, le ton est donné : un accident dans une mine en Ethiopie ; une pierre lumineuse et attractive ; une coloscopie ; pour enfin finir par retomber directement dans les yeux d’un Adam Sandler grimé en bijoutier newyorkais aux affaire foireuses, déjà tortillé des quatre côtés par une voix furieuse au bout du téléphone. Les Safdie ne quitterons plus son visage, tantôt nocturne, blessé, apeuré, joyeux ou jouissif, nous transportant ainsi dans cette ballade fatigante mais libératrice. Libératrice car Uncut Gems répond peut-être aux attentes que l’on place en chaque film avant d’entrer dedans : une œuvre capable d’amener le spectateur lui-aussi, à venir prendre part au supplice, aux doutes et enchantement du personnage. Non pas de manière fantaisiste, facile ou stupide, mais bel et bien à travers le premier talent de ses auteurs : la mise en scène. Celle qui, dans son imagerie, condense une envie et un acte. Ils entrainent ainsi, pour le meilleur et pour le pire, le spectateur au-devant la scène, tel un premier témoin du geste.


Ainsi, le véritable geste d’Uncut Gems est bien celui de la puissante imprévisibilité. Chaque action et chaque mot cachent un coup, une sensation, que les frères Safdie tentent perpétuellement de, à la fois créer, mais aussi capter. Leur caméra ne lâche jamais la violente et énergique folie ambiante, si ce n’est devant un match de basket au cœur du domaine familial, comme entre deux rounds de boxe. Imprévisible est Uncut Gems à l’image de sa scène finale, que je ne révélerais pas pour éviter de gâcher le plaisir, ou la stupeur, des prochains témoins du film, mais qui est la parfaite révélation de ce sentiment constant qui fascine et épuise. Comme une véritable déviation, conduisant le spectateur à recevoir lui-aussi les coups. J’ai ainsi reçu ces coups en ce début d’année 2020, et je ne les oublierais évidemment pas.

RemiSavaton
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le 16 mars 2021

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Rémi Savaton

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