Duo de réalisateurs au CV difficilement comparable, trio d'acteurs en vogue, des sujets aussi complexes qu'évidents… Sur le papier, Une année difficile semble être un film intelligent et sans fausses notes, devant lequel on ne peut que passer un bon moment.


Et c'est vrai, on passe un bon moment ! Cependant, en ce qui concerne la profondeur du propos et la réflexion post-projection… On repassera ! Promesse à moitié tenue donc.


En deux heures, le film n'arrive jamais à choisir son sujet. Partant d'un postulat intéressant en voulant aborder le surendettement comme une dérive d'un modèle sociétal à bout de souffle, il n'effleure que l'évidence sans jamais entrer dans le concret. Il en résulte une galerie de personnages aussi superficiels qu'irréels, évoluant au milieu d'enjeux insignifiants.


D'une évidence alarmante, le propos est deviné avant même qu'il ne nous soit présenté. Les liens entre l'état financier catastrophique des protagonistes et les combats écologiques sont limpides. On comprend où le film veut en venir, mais il n'ose jamais franchir le pas. À l'image de cette scène complètement irréaliste où Bruno découvre des ponts sur les billets de banque - une métaphore bancale sur le rôle de l'argent et des rencontres - le film ne parvient jamais à créer de synergie et n'autorise aucune discussion sur un sujet pourtant propice à cela. Pire encore, il ne prend même pas position.


Faute d'une exploration plus approfondie, tout demeure superficiel. Les personnages de Bruno (J. Cohen) et Albert (P. Marmaï) semblent finalement peu affectés par leurs situations désespérées. Les questions de surendettement, des mécanismes psychologiques associés et des conséquences sur la vie sociale des protagonistes sont complètement ignorées. Si c’est un bon ressort comique, le personnage joué par M. Amalric en est une parfaite caricature en représentant à lui seul le problème et la solution.


Le constat est identique au sujet de l’ambition écologiste du film au vu de la description très artificielle de ce groupe d’activiste transformé en caricature médiatique. À l’exception de la scène d’ouverture - probablement la plus aboutie tant sur le fond que sur la forme - le groupe mené par Noémie Merlant souffre de tous les clichés attribués bêtement aux militants écologistes. Tous sont extrêmes dans la pratique de la sobriété avec un minimalisme porté en exergue par la quasi-totalité des personnages. Un manque de fond qui atteint son apogée lors de cette réunion chez Cactus (N. Merlant) où les participants arrivent à vélo dans un appartement haussmanien très loin du niveau social supposé du groupe.


Articulé autour des actions politiques et publiques du groupe (pourtant déjà bien ancrées dans l'imaginaire collectif), le film n'aborde jamais les questions de fond. Les violences policières sont évoquées au détour d’une blague maladroite, l'éco-anxiété - pourtant essentielle dans la construction du personnage de Cactus - est à peine effleurée dans une scène où la romance prend de toute façon le dessus, et l'urgence de la situation n'est ni expliquée ni démontrée. En somme, le groupe est présenté à la manière des médias : beaucoup de bruit pour pas grand-chose.


On retiendra quand même une performance globale satisfaisante de la part des acteurs avec un trio qui fonctionne bien. Fluide, sans véritable fausse note, on sent que ces trois-là on prit du plaisir à se donner la réplique. Mais si quelques scènes restent touchantes - tout le passage de J. Cohen au tribunal notamment - la performance reste invariablement fade et s’offre un final complètement lunaire où la romance déteint dans une ambiance confinement mal assumée.


Loin, très loin du niveau de leurs films précédents, Une année difficile se place probablement tout en bas du classement ciné de Toledano & Nakache. Heureusement pour eux, la barre était haute et le film est loin d’être insoutenable. Mais venant d’eux, on s’attendait à mieux.

Neyor
5
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le 4 nov. 2023

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Neyor

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