Ce film de 1954 est étrangement pertinent pour notre époque moderne, presque prophétique en fait.


Gladys Glover veut être célèbre, juste célèbre, sans raison, elle veut que l'on connaisse son nom pour exister.
Elle décide donc de louer l'un des plus grands emplacements de publicité de New York et d'y placarder son nom pendant 2 semaines, la durée maximale que ses économies lui permettent.
Le buz est immédiat, si vous me passer cet anachronisme, et tout le monde se demande qui ou ce qu'est cette Gladys Glover.
En même temps, Evan Adams, revendique le panneau publicitaire car c'est un emplacement prime pour sa société depuis des années.
Il va donc faire un deal avec la charmante Gladys et échange cet emplacement contre plusieurs. La "marque" Gladys Glover se répand alors et notre rêveuse au problème identitaire devient célèbre.
Elle devient même mannequin pour la marque de Evan Adams.
Dans un même temps, elle a rencontré son charmant voisin photographe et journaliste à qui elle plait beaucoup et celui-ci n'aspire qu'à une vie tranquille et ne comprend pas l'obsession de Gladys pour la célébrité.
Prise entre le gentil photographe qui l'aime pour elle et le pdg séducteur qui l'utilise que fera-t-elle?


J'adore George Cukor, j'aime ses films. Il a le chic pour filmer les femmes et leurs histoires, toujours avec humour, avec affection mais aussi avec vérité.
Judy Holliday, star incontestable à l'époque mais aujourd'hui un peu oubliée et c'est dommage, apporte son sourire éblouissant et son peps à Gladys Glover tout en n'oubliant pas de la rendre vulnérable.
Holliday a de l'abattage et excelle dans la comédie, son timing est impecable mais sous la caméra de Cukor, elle laisse aussi apparaitre les failles.
Face à elle, 2 hommes biens différents. Peter Lawford, charmeur professionnel un peu visqueux en Evan Adams, il est lui même et c'est largement suffisant.
Et de l'autre côté, monsieur tout le monde, le grand, l'immense, le légendaire Jack Lemon dans son premier rôle. Et il est parfait. Il est charmant, il est drôle, il est fragile, il est désespérément normal et son duo avec Holliday est parfait de rythme et d'alchimie.
Elle en a aussi avec Lawford, mais il aurait de l'alchimie avec une porte de placard.


Cukor ne s'en cache pas, il filme une femme dans New York, un portrait de femme en perte d'identité que la reconnaissance des autres permet de se construire.
Une dénonce de la superficialité de la société américaine, qui est prête à acheter n'importe quoi. Un portrait d'une société qui porte au nues n'importe qui pour n'importe quoi et même pour rien.
Et c'est là que le film est prophétique. Gladys Glover est l'ancêtre de toutes ces midinettes et minets qui font du rien avec du rien comme les Kardashians par exemple. Le seul fait de porter ce nom et de respirer est la raison de leur célébrité ou Paris Hilton (qui a tenté d'être actrice d'accord) ou des influenceurs qui nous bombardent de leurs opinions à tout de bras sans aucun fondement à leur expertise.


Le sujet semble être fait pour un Billy Wilder et si cela avait été, la fin aurait certainement été plus grinçante même si Cukor montre un sursaut du nombrilisme de son héroine. C'est plus pour le sourire que pour l'avertissement, nénamoins.
Le film finit sur une note résolument positive et bienséante pour l'époque. Son héroine se marie au bon garçon et renonce à toute ambition pour la vie de femme mariée. Elle changera donc symbolique de nom. Le mariage est la fin de Gladys Glover et le commencement de sa vrai vie. Alors, je sais, c'est très daté mais je ne pense pas que ce soit une propagande maritale aussi simple. Le film est plus fin psychologue que cela.
Soyons honnête, le désir de célébrité de Gladys n'est pas encré dans un réel talent mais dans le désir d'être connue et ainsi d'exister. Pete, un peu pontifiant parfois il faut le reconnaître, n'étouffe pas la carrière naissante et les aspirations de carrière d'une Sarah Bernard par ses dogmes patriarchaux.
Grace à lui et à Evan Adams aussi, elle se rend compte de la futilité de son aspiration, du vide que la vie lui procure et elle fait un choix. Elle aurait tout aussi pu choisir de continuer à être vide mais elle choisie d'être elle-même et d'être avec Pete.
Pete qui voit, à travers sa caméra, la vrai Gladys et en tombe amoureux (la scène d'ouverture dans Central Park est délicieuse et sensuelle à souhait grace à Gladys et ses pieds nus).
A mon avis c'est plutôt Pete qui devient M Gladys Glover qu'elle qui devient Mme Pete Sheppard d'ailleurs.


Ce n'est pas une apologie du mariage et la vie tranquille pour les femmes mais l'analyse fine d'une femme en perte d'identité et qui finit par choisir de se construire de la bonne façon en étant plutôt qu'en paraissant.


Mais je peux comprendre la lecture plus aigrie de cette fin normée dans son époque.
Je donne plus de crédit cependant à George. Et on a un happy end amoureux aussi, c'est avant tout une comédie.
Et bon sang, qu'est ce qu'on rit, grace Judy principalement, notamment dans la scène du prompteur.


Je vous conseille vivement de donner sa chance à ce film charmant et drôle si ce n'est pas déjà fait.

Créée

le 4 mars 2021

Critique lue 190 fois

4 j'aime

Anilegna

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