L’interprétation de Sofia par Zahia Dehar m’a interpellé, ce petit bout de pensée sur les personnages du film en est la simple preuve :
Tous les personnages gravitant autour de Naïma sont des projections de différents idéaux de la liberté : ils représentent différentes interprétations et déclinaisons de ce grand mot.
Sa mère et le chef de cuisine pensent la liberté par le travail. Son meilleur ami entrave à sa liberté en projetant sur elle ses propres envies. Le millionaire se dit être un « anarchiste » libre par l’argent…
Dans tout ce beau monde, Naïma et le personnage de Benoît Magimel sont finalement les seuls à sembler concrètement réfléchir aux différents choix de liberté qui s’imposent à eux.
En quelques plans sur eux on arrive donc à cerner tous les personnages du film, sauf un.
Sofia est elle aussi une option de liberté. Pourtant elle a quelque chose de différent : elle paraît bien plus désincarnée que les autres.
Zahia Dehar fait presque spectrale avec ses gros yeux éteints et son visage figé. Mais paradoxalement, ces mêmes yeux foncés et son teint brunit semble dégager une certaine chaleur.
Dans la grande majorité de ses scènes, elle apparaît comme si elle était simplement posée devant la caméra. Présente uniquement pour être dans le champ, sans objectif de véritablement jouer un rôle ou une émotion. Elle semble juste là, à exister dans l’univers que nous dépeint Rebecca Zlotowski.
Les quelques paroles et gestes affectueux envers sa cousine sont les seules indications du caractère de son personnage.
Sofia est donc mystérieuse aux yeux du spectateur comme de ses paires. Elle se cache en permanence derrière le masque de neutralité qui lui sert de visage, qu’elle plisse à sa guise en un petit air minaude.
Car Sofia est en réalité un personnage profondément humain, complexe et impulsif.
Elle est en perpétuelle fuite de ses émotions. Elle tente de leur échapper en se réfugiant dans un hédonisme et dans une sexualité qui lui permettent de profiter au jour le jour sans penser à rien.
Mais elles finissent toujours par la rattraper, la faisant fuir à nouveau vers d’autres horizons, cette fois-ci loin de sa cousine devant laquelle elle s’est finalement montrée trop vulnérable.