Sous une pluie battante, en pleine nuit, un homme arrive en bus dans un petit patelin paumé en bord de mer et demande un chambre dans le seul hôtel du coin, prétextant avoir besoin de repos, étant malade des nerfs. L'homme est solitaire, triste, taciturne et mystérieux. Il déambule dans le village et suscite l'interrogation des locaux. Bientôt, un autre homme (Jean Servais) arrive lui aussi à l'hôtel et semble s'intéresser de très près au premier.

Yves Allégret signe un film au rythme très lent, on reste un long moment sans savoir où cette histoire va nous mener, mais qui parvient a maintenir l'attention du spectateur en distillant progressivement ses informations. Même si on devine que chacun cache quelquechose, il est difficile de savoir où le film va aller. Ainsi, Allégret laisse le temps à ses personnages d'exister. Et ce qui donne son ton au film, c'est que tous ces individus semblent vivre dans une forme de désolation, de tristesse. Ce n'est clairement pas un film gai auquel on assiste mais bien à un film mélancolique où on ressent le poids d'un passé lourd à porter. Entre les deux inconnus mystérieux, un représentant de commerce qui se morfond à l'idée de ne pas être chez lui pour fêter l'anniversaire de son fils (très bon Carette), un enfant de l'assistance publique exploité par la dirigeante de l'hôtel, un couple bourgeois qui s'ennuie, il n'y a pas de place pour la joie de vivre. Au milieu de tout cela, seule Marthe, la servante, semble garder la tête froide et, consciente de la médiocrité de sa vie, préfère continuer à se battre plutôt que de se laisser aller à la tristesse. Les dernières minutes viendront éclaircir les interrogations dans un final désespéré.

La photographie de Henri Alekan est une merveille, utilisant magnifiquement les contrastes, entre les noirs profonds de la nuit, renforçant la désolation du village et les blancs lumineux du jour. Une utilisation du noir et blanc qui participe au côté Film Noir de l'ensemble. Gérard Philipe, tout en fragilité, est parfait dans le rôle de cet homme solitaire au lourd passé, que l'on sent prêt à craquer d'un instant à l'autre. Il illumine le film de sa présence, à la fois simple et complexe. Jean Servais est toujours parfait pour jouer les salauds et Madeleine Robinson est magnifique dans le seul personnage qui tente de garder la tête haute et qui tentera d'apporter son soutient à Philipe.

Un grand Film Noir mélancolique, une petite perle d'une tristesse infinie.
ValM
9
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le 18 sept. 2014

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ValM

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