Une vie
6.9
Une vie

Film de James Hawes (2024)

« Si tu commences, tu achèves »

J’ai regardé One Life, la gorge nouée durant la majeure partie de la projection. Ce film est empreint de gravité par son histoire, par la réalisation tout en sobriété, par la musique et par le jeu des acteurs. One Life m’est allé droit au cœur.

Le film alterne entre deux périodes :

1939 : période durant laquelle Nicholas Winton alors âgé de 29 ans organise le départ d’enfants tchèques vers la Grande-Bretagne face au péril nazi de plus en plus menaçant.

1987 : période durant laquelle Nicholas Winton est devenu âgé et fait face à ses souvenirs.

Ces allers et venues entre ces deux périodes sont parfaitement maîtrisées et mises en scène.

En septembre 1938, les accords de Munich cèdent la région des sudètes de la Tchécoslovaquie à l’Allemagne. Des milliers de personnes fuient alors les sudètes et se regroupent dans des camps de réfugiés. Fin 1938, le jeune Winton, un courtier britannique se rend à Prague pour répondre à l’appel d’un ami. Il découvre la misère des camps de réfugiés tchèques. Cet homme décide alors d’agir et refuse de se résigner. Face aux réactions qui tentent de l’en dissuader en lui disant que c’est impossible, il répond par des actes : il met en route un mouvement, il organise, contacte son réseau, fait appel à sa mère, se démène et réussit à mettre sur pied une entreprise de sauvetage d’enfants, pour la plupart juifs. 8 trains emmèneront 869 enfants vers la Grande Bretagne et les confieront à des familles d’accueil. Un 9e train sera arrêté par les nazis, c’est lui qui contenait le plus d’enfants : 250. Il n’arrivera jamais et sera le dernier. Ce qui se joue dans cette première période, c’est la confiance : le jeune homme doit gagner la confiance de tous : des parents tchèques qui doivent se séparer de leurs enfants, des britanniques pour trouver des fonds et obtenir les autorisations, des juifs qui craignent que les enfants soient forcés à passer au christianisme, des familles d’accueil et il doit lui-même trouver en lui-même la confiance pour avoir la force de rendre possible l’impossible.

La deuxième période nous transporte en 1987. Nicholas Winton a vieilli, il se prépare à être grand-père. C’est la période la plus développée et celle qui m’a finalement le plus touchée. Durant des années, Nicholas a gardé le silence sur ce qu’il avait fait ; les enfants ont ignoré à qui ils devaient d’avoir la vie sauve ; la propre femme de Nicholas ignorait tout de cette histoire. C’est Anthony Hopkins qui campe Nicholas devenu âgé. Sa prestation est à la mesure de son talent. Les souvenirs remontent quand il retrouve sa mallette avec les archives, la perspective d’être grand-père le renvoie aussi au souvenir de ces enfants. Durant ces années, il a cherché à oublier pour ne pas être submergé par le regret de n’avoir pas fait davantage et la souffrance de ceux qui sont morts.

Ce film met en scène avec intelligence le rapport entre ces deux époques. Le passage d’une époque à l’autre nous fait ressentir le gouffre entre ces deux mondes : celui du camp des réfugiés, de la peur et la misère qui y règne et celui aisé et raffiné de cet homme, père de famille vivant dans une belle maison. Cet homme aurait pu choisir de fermer les yeux comme d’autres l’ont fait et revenir au confort de sa vie en quittant Prague, il a refusé. L’action de Nicholas Winston est circonscrite durant l’année 1939, mais c’est toute sa vie qui a été habitée par ce drame. Dans le film, un rabbin lui cite une parole de la tradition hébraïque : « Si tu commences, tu achèves ». 1939 : c’est l’année où il commence ; 1987 c’est celle où il achève. Cette dernière époque est particulièrement émouvante, Anthony Hopkins nous montre un homme que l’émotion contenue durant des années assaille puis submerge. C’est la période de la mémoire, Nicholas réalise qu’il ne faut pas oublier ce qui est arrivé et il se décide à faire connaître l’histoire de ces enfants.

En se battant pour sauver des vies, Nicholas est devenu le père de tous ces enfants qui s’appellent eux-mêmes les « enfants de Nicky ». Les dernières séquences de cette histoire m’ont bouleversée.

Créée

le 1 mars 2024

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abscondita

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