Les films prenant pour fond la seconde guerre mondiale ont ce quelque chose de morbide, cette fascination pour l'horreur, qui finit par lasser. L'idée même de film historique me semble vaine : occulter une majorité d'événements pour faire ressortir des "turning points" désavoue totalement la réalité de ce qu'est la chaine historique. Raccrocher la petite histoire à la grande se solde souvent d'ailleurs d'une assez franche médiocrité. Malgré ce que laisse penser le titre, ce n'est
absolument pas ce que fait Malick ici. Ce que Malick délie dans ce film est immense. Il déploie devant nous toute la pluralité de ce qu'est l'homme, de façon totalement intemporelle. L'histoire d'un homme de foi, qui veut rester fidèle à ses croyances s'inscrit ici dans un contexte de guerre, mais s'est aussi incarnée en Judée il y a deux millénaires. Impossible de passer à côté de ce qui est une étude de la figure christique. Le Nouveau Testament nous enseigne que Jésus de Nazareth s'est livré pour racheter les pêchés de l'humanité. Ici Franz se livre, non pour changer le cours de la guerre ( il aurait été question de Résistance si ç'eut été le cas ) mais pour bel et bien réitérer que l'homme est capable d'une infinie liberté de jugement, offerte par Dieu. Le film se regarde d'ailleurs avec une grande religiosité. Comme souvent chez Malick, les scenarii silencieux sont d'un parlant saisissant : les heurts d'un métier à tisser, le bruit de l'eau sous un moulin, de la nature tout simplement. Nature qu'il filme d'ailleurs avec grandeur. Les grands angles du Nouveau Monde entraient en cohérence avec tout ce que l'Amérique peut offrir en espaces et immensité. Il n'est pas aussi facile de donner cette largeur à l'Europe et à sa nature trop facilement petite et pittoresque. L'Autriche apparait dans ce qui lui reste de minéral : des roches qui semblent aussi abstraites que certaines oeuvres pourtant presque floues de Courbet. Les alpages sont traités avec une grande poésie sans niaiserie aucune. Il n'est pas question d'un attendrissement citadin pour la campagne. Malick évite tous les pièges tendus par un tel projet avec une aisance prodigieuse et donne avec ce film une belle cohérence à ceux qui l'ont précédé. L'assourdissant, urbain et contemporain Knights of Cups nous avait appris à contempler tout ce que l'homme peut produire en désoeuvrement. Ici on nous enseigne ce qu'une âme juste peut donner en grand silence.