C'est une tendance qui commence à se confirmer : de trop nombreux réalisateurs ne sont pas à la hauteur des films qu'ils entreprennent de réaliser. C'était le cas pour le film Road House de Doug Liman, pour le film Synchronic de Moorhead et Benson, ou pour le film The Creator de Gareth Edwards (pour ne citer que quelques exemples, mais la liste est tristement longue). C'est le cas ici pour Utopia de James Bamford. Tous ces films reposent sur des idées particulièrement intéressantes, tous développent un scénario sérieux et intelligents, mais tous - à des degrés divers - ratent le passage à la réalisation. 
On dirait que, dans chacun de ces cas, le réalisateur peine à se mettre au niveau que nécessiterait la mise sur pied d'une telle œuvre. Et, dans chacun de ces cas, cette médiocrité de l'homme face à la puissance de son idée se manifeste dans les mêmes travers : des raccourcis tellement gros que cela vire à l'incohérence scénaristique ; des dialogues d'une banalité ou d'une platitude exaspérante ; l'utilisation d'idées tellement vues et revues qu'elles virent au poncif ; et, le plus souvent, un final qui prend la forme de fusillades, de bastons interminables ou d'explosions que l'histoire ne nécessitait nullement. Comme si le matériel de base du film était tellement fin et subtile, l'idée tellement originale, nouvelle et conceptuelle, le scénario tellement technique et audacieux, que le réalisateur était obligé de se raccrocher à du déjà fait, à du bien connu, à du facilement compréhensible : en somme, à du déjà filmé. 
On assiste donc à des films qui enthousiasment lors de la lecture du synopsis, qui peuvent même capter sincèrement notre intérêt durant un moment, avant de faire naître notre déception accompagnée d'un "et allez !". Ce, "et allez !", c'est nous, qui reconnaissons le moment où le réalisateur lâche l'affaire et se laisse aller à la simplicité sans prise de risque et sans intérêt pour le film. 
C'est exactement ce qui se passe ici. L'idée originale est forte, impressionnante, et terriblement d'actualité ! Imaginer des lieux de plaisirs masculins assurés par des femmes plus ou moins privées de leur conscience par l'intervention d'une Intelligence Artificielle, c'est mettre en avant la limite entre la prostitution et le viol, entre le vivant organique et le vivant informatique, entre la machine et l'humain : c'est ouvrir des questions éthiques qui sont brulantes et dont le cinéma a déjà pu se saisir parfois avec brio ! (Pensons au film Blade Runner 2049  ou à la série Real Humans, etc.) Ici, le sujet n'est qu'effleuré. Tout au long du film on tourne autour de cette question, on la sent prendre en importance, s'imposer dans l'intelligence du héros et du spectateur. Mais, au moment où elle se formule, le scénario s'en détourne, et retourne dans les travers d'une série B déjà vue et revue : ça fusille, ça bastonne, ça trouve des armes et des alliés pour la seule bonne fortune d'un scénario qui ne savait pas où aller ni comment finir, bref, ça échappe au réalisateur. Ce dernier ne "sait" plus, il ne s'en sort plus, alors il va droit à la facilité. Et ça fatigue.
C'est pourquoi je ne peux pas dire que le film est mauvais. Certaines images sont belles, les intentions sont bonnes et le questionnement fondateur du film est vraiment intéressant. Mais ce que je peux me permettre de dire c'est que le réalisateur n'était clairement pas assez bon par rapport aux qualités du film.