En avant-propos, je dois avouer que je n'ai pas lu le comics qui a inspiré le film, même si le visionnage cette œuvre va m'emmener probablement assez vite dans un magasin pour me le procurer.
V pour Vendetta est un film qui a une aura forte dans la société actuelle, on a vu les masques de Guy Fawkes jusque dans des parlements. Né de certaines peurs de l'après 11/9, le film nous rappelle certaines vérités, valeurs, vertus ou évidences au sujet de la démocratie et de sa fragilité.
Comme son personnage, le film se déguise en film de super héros. Au premier abord, on pourrait même croire qu'il y a maldonne, tant le film aurait du s'appeler V for Vigilante ; le sauvetage d'Evey de truand de bas étage pourrait être sorti de n'importe film de super héros, à l'extravagance du monologue de V prêt. Bon, il semble y avoir une différence, les truands semblent appartenir à une faction du gouvernement, l'ambiance générale de la rue est sordide avec un couvre-feu, mais on retrouve quand même le schéma du justicier solitaire.
Sauf que non, très vite, ça dérape, avec un spectacle son et lumière de toute beauté. On ne sait pas encore ce que veut V, mais il n'est définitivement pas un vigilante. Terroriste ? Anarchiste ? Résistant ? Révolutionnaire ? Probablement un peu de tout ça.
On enchaîne entre les scènes de télévision, glaçantes («Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé») et le quotidien de V, son passé, sa mission. Au fur et à mesure que tout se dévoile, une gêne naît chez le spectateur ; on suit la vendetta de V, on se retrouve à justifier l'injustifiable, ces meurtres de sang-froid.
L'interprétation par Hugo Weaving du rôle titre est réellement à saluer - parvenir à rendre expressif un personnage masqué en permanence, c'est véritablement la marque d'un grand acteur (que je n'avais pas soupçonné...). Les mouvements de la tête, des épaules, la diction, tout est parfait. Le décalage entre le sourire immuable du masque, et le reste du jeu de l'acteur, les discours ciselés à la perfection, les interventions de V sont toujours parfaites - sauf lors des rares scènes d'action, un peu molles.
Natalie Portman est de son côté épatante ; à mille lieux de ses prestations pour Star Wars et Marvel, elle montre qu'elle a une gamme de jeu assez grande pour transmettre des émotions très contrastés. Recroquevillée au sol de sa prison cherchant avec ferveur sa dose de rêve, fière devant son interrogateur, en colère devant V, elle est réellement magistrale. J'imagine que c'est plus simple de montrer son talent avec un partenaire aussi doué que Hugo Weaving...
Le reste du casting est lui aussi bon, évidemment plus anecdotique. Les images de Sutler sur grand écran, l'incarnation de Big Brother, sont glaçantes, les inspecteurs font le job quand ils découvrent au fil de l'intrigue les implications de leur enquête.
Côté image, il n'y a rien à redire. Les scènes d'actions sont franchement peu palpitantes, ça n'est clairement pas l'ambition du film ; V est mis en avant, quelques gros plans sur les lames, on passe à autre chose. Cet autre chose, c'est une caméra précise, des images sombres, des plans statiques soulignant une société qui n'avance pas, et des plans de groupes, terrifiant, d'une masse informe de gens devant la TV, toujours.
Mais le gros de l’œuvre, bien sûr, c'est son message politique. Il est inutile de revenir sur les parallèle avec 1984, avec le Patriot Act, avec la prise du pouvoir par Hitler. N'empêche que voir ce film en 2015, c'est fort, après Assange, Mannings, Snowden. Mais paradoxalement, je n'ai pas grand chose à ajouter à ce sujet (ou alors tellement qu'on déborderait largement la critique de ce film :) ), tout est dans le film.