Vaine Illusion par Steph_Duc_40

Film d'une très grande liberté, Vaine Illusion est aussi un des plus étranges de Kiyoshi Kurosawa.
C'est une fable de science fiction qui se déroule au rythme d'une chronique. Le film semble se dérouler après une catastrophe. Quelques indices sont disséminés dans le film : lorsqu'un match de football est retransmis à la télévision, il n'y a que quelques supporters dans le stade, quasiment tous les espaces sont vides, l'ambiance de la ville est quasi inexistante. Les deux fois où l'on voit une carte du monde, les continents sont de nouveau tous collés les uns aux autres, comme si le monde était redevenu une sorte de Pangée. On est en 2005 (le film date de 1999), donc dans un futur proche. Nous n'en saurons jamais plus.
Résumer le film est très difficile. Les séquences semblent s'enchaîner de façon tellement arbitraire et absurde.
On ne cherche pas dans le film à nous dire ce qui s'est passé ni quand, on nous fait partager le quotidien de ces survivants. Survivant est un grand mot car ils n'ont pas l'air totalement vivants. Chaque action est accomplie sans émotion, comme s'ils n'étaient pas affectés ou concernés par ce qu'ils vivent. La lumière est douce et printanière, la nature semble omniprésente bien qu'on soit en pleine ville, le monde est étrangement doux mais les êtres absents à eux mêmes.
Un des personnages disparaît littéralement des plans en fondu puis réapparaît, comme s'il perdait sa substance mais ne pouvait jamais disparaître.
On en vient même à se demander si la catastrophe en question n'est pas qu'ils sont devenus immortels, et ne pouvant mourir la vie n'a plus de sens. Certains personnages se font tabasser, et on pourrait les penser à mort, mais ils se relèvent ensuite sans une goutte de sang.

Le monde a l'air pris entre deux forces, l'une morbide, ces groupes qui agressent des gens dans la rue, et l'autre vivante, celle du groupe de supporters qui intervient plusieurs fois dans le film. Mais ce groupe baisse vite les bras face à la violence.
Et le comble de l'horreur dans le film est qu'il est impossible de quitter ce monde. Il faut y persister, dans sa contradictoire douceur printanière.
Ce film a été réalisé entre Charisma et Kaïro qui sont tous les deux des films apocalyptiques, Charisma se déroule juste avant l'apocalypse et Kaïro nous immerge en plein dedans. Vaine illusion est plutôt un film d'après la catastrophe. Et visiblement il n'y a rien.
C'est aussi un film où il se penche sur la jeunesse, comme dans License to live ou plus tard Jellyfish. Et il se sent visiblement assez étranger à elle.
J'ai aussi l'impression que ce film a été un laboratoire formel et thématique pour Kurosawa avant de faire Kaïro. On y retrouve déjà ces personnages d'étudiants ou post étudiants sans énergie et sans envie, la même étrange douceur face à l'apocalypse, les personnages qui se désagrègent et disparaissent dans l'image.
Comme souvent avec Kurosawa, le film est superbe plastiquement. Il filme majoritairement en plan assez large et c'est en recadrant avec des mouvements de caméra qu'il découpe les séquences.
Il a un certain génie des décors donnant l'impression d'être abandonnés.
En résumé, même si ce n'est pas le film le plus accessible pour découvrir son oeuvre (il vaut mieux commencer avec Cure ou Kaïro), Vaine Illusion est vraiment à conseiller, surtout si la folie de Charisma vous a plu.