Vampyros Lesbos est l’œuvre charnière d'une longue, très longue filmographie d'un cinéaste fou, faiseur d'images compulsif. Jesus Franco avait déjà délaissé le classicisme de ses premières productions fantastiques (que je conseille chaudement au passage, rien que pour Le Sadique Baron Von Klaus) mais n'avait pas encore franchi les barrières de la folie lors de son passage dans la boite de production Eurociné, coupable des pires forfaitures cinématographiques européennes.


Derrière une histoire assez décousue partagée entre une comtesse recevant l'héritage de l'un de ses lointains ancêtres (un certain Dracula), un couple au bord de la rupture et de l'occultisme cheap, on suit les aventures d'une femme d'affaires partagée entre le confort ennuyeux de son couple et l'attirance saphique extrêmement forte envers une femme vampire (interprétée par la très troublante Soledad Miranda, disparue malheureusement bien trop tôt). Tout cela dans un Istanbul brumeux mais pourtant très joliment filmé.


Le film est moite, formellement bancal mais Franco ne fait jamais rien comme tout le monde et si on devait synthétiser son œuvre en deux mots, ce serait : approximation et fascination.


Approximatif car le scénario du film tient sur un timbre poste. La narration ainsi que les ressorts scénaristiques n'ont jamais été les forts du cinéaste ibérique. A y voir de trop près, Franco n'a pas grand chose à dire, si ce n'est re-contextualiser une partie du mythe de Dracula en Orient et en offrir une lecture plus contemporaine. Libération de la femme, accueil très large faite à un relation lesbienne bien que très, très complaisante. Une vision contemporaine donc, mais dépassée car tout respire l'époque des années 1960 et 1970 à plein nez, notamment celle du Flower Power avec ses baignades, son soleil et son ambiance érotique moite. Contemporaine mais dépassée car la symbolique est parfois grossière et même largement dépassée dans le contexte du flower power. On peut également déplorer les tics habituels du réalisateur comme l'abus de zooms et de dézooms qui vous font facilement perdre deux dixièmes à chaque œil sans parler de digressions verbales pas souvent les plus bienvenues.


Mais ce film reste fascinant à plus d'un titre, et ce film reste même.... bon. Un bon film, un vrai bon film fantastique. Car il faut également reconnaître que si Jesus Franco a toute sa place sur un site tel que nanarland, il a également été pressenti comme le futur génie du cinéma espagnol. Préférant volontairement la forme au fond, Franco traite son film tout simplement comme une œuvre d'art cubiste avec beaucoup de plans inventifs. Les effets artistiques sont cheap au possible mais paradoxalement réussis, une attention particulière ayant été employée sur la photographie. La musique, à défaut d'être classique, permets une immersion au plus près des ambiances brumeuses de Vampyros Lesbos. La sauce prends pourtant, la tension est palpable dans cette atmosphère à la frontière de la sensualité et du malsain... alors que le scénario tient dans un timbre poste.


Vampyros Lesbos est avant tout un travail de l'image et de l'ambiance pris à un instant t. Il faut à mon avis le voir pour ce qu'il est si on souhaite y prendre un réel plaisir. Franco a un véritable talent pour poser des ambiances oniriques et iconiser ses actrices. La facilité quant à la représentation de la mort et du sexe est trop apparente certes, mais pas encore grossière au point de gâcher l'expérience comme ce sera trop le cas sur bien de ses films suivants.

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le 21 déc. 2020

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