Vanishing
5.1
Vanishing

Film de Denis Dercourt (2022)

Denis Dercourt est un réalisateur français qui est actif depuis 1998 et qui a par exemple réalisé en 2006 La Tourneuse de Pages ou Demain Dès l’Aube (2008), tous deux projetés dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes. Au début des années 2010, il décide d’adapter librement le roman chinois Les Disparues de Shanghai de Peter May, édité en 2006, et va travailler le scénario pendant pas loin de 11 années. Ayant peur de la censure chinoise, il décide de modifier l’histoire et de situer son histoire en Corée du Sud, en plein Séoul, et comme il apprécie grandement le cinéma coréen, il a pour souhait de faire en sorte que son film ressemble comme deux gouttes d’eau à un thriller coréen. Vanishing est du coup un film hybride, certes très ancré dans la culture coréenne, mais avec néanmoins certains codes du cinéma français, pour un résultat qui souffle un peu le chaud et le froid, bien qu’au sortir du visionnage, ce soit plus le chaud qui gagne.


Tourné en moins de trois semaines en pleine période de COVID, Vanishing aura d’abord eu droit chez nous à une sortie sur Canal+ en avril 2022 après avoir été exploité dans plus de 700 salles en Corée du Sud, avant d’arriver au format physique en DVD et Blu-ray sous la houlette de Spectrum Films en octobre 2022. Le scénario va nous amener dans les bas-fonds de la Corée du Sud en prenant pour thématique le trafic d’organes, souvent utilisé au cinéma (y compris en Corée), et nous allons suivre l’enquête du point de vue d’un policier, joué par Yoo Yeon-Seok, et d’une scientifique française, interprétée par Olga Kurylenko. Les codes du thriller vont tous être là, avec cet aspect puzzle que l’amateur du genre aime bien. Le film va nous perdre, pour nous permettre de mieux reconstituer les pièces du puzzle, bien que l’ensemble reste malgré tout très compréhensible. On sent que Denis Dercourt a envie de raconter une histoire crédible et il soigne sa narration. Il ne cherche à aucun moment à faire dans le spectaculaire avec des scènes d’action over the top et une violence exacerbée comme c’est souvent le cas dans le cinéma du matin calme. Il veut que son film soit réaliste du début à la fin et, du coup, on pourra lui reprocher son manque d’originalité et d’intensité bien qu’il se suive sans ennui, sans qu’à aucun moment on ait envie de faire autre chose. Il va s’attarder sur ses personnages, par exemple sur les dilemmes moraux d’un chirurgien qui fait des opérations clandestines et l’impact que cela a sur sa famille. Parfois, il va simplement s’arrêter sur des petits moments de vie, afin d’humaniser le plus possible ses personnages (le jeune flic qui apprend des tours de magie à sa nièce). Et il est vrai que ça fonctionne plutôt bien et le duo entre le policier et la scientifique apporte un peu de lumière à un film aux thématiques sombres avec peu ou pas d’humour. Dommage que les méchants soient moins réussis, sans aucune nuance, pas réellement creusés sur par exemple ce qui les a amenés à leurs activités illégales (comme le personnage de Choi Moo-Sung), mais cela renforce l’aspect froid de la bobine.


Vanishing est essentiellement tourné en caméra à l’épaule pour plus de proximité avec les personnages et pour plus d’immersion. Parfois visuellement très intéressant, la mise en scène du film est malheureusement souvent assez passe-partout, avec énormément de champs / contre-champs sans réelle inventivité. Néanmoins, Denis Dercourt arrive à instaurer une ambiance assez pesante dès les premières minutes, entre autres grâce à un très bon score de Jérôme Lemonnier avec qui il travaille depuis longtemps. Bien que tout ait été fait pour que Vanishing ressemble à un « vrai » film coréen, on sent à la fois les influences du cinéma français, dans la façon dont sont caractérisés les personnages ou dans l’esthétique du film, et les influences coréennes. Pour ce dernier point, ne parlant pas un mot de coréen, le réalisateur a énormément fait confiance aux acteurs, à leur jeu, et à leur capacité d’improvisation. Yoo Yeon-Seok (Old Boy, Hwayi) s’en sort réellement bien, arrivant à faire passer beaucoup d’émotions. Choi Moo-Sung (J’ai Rencontré le diable) est comme à son habitude impeccable, toujours crédible. Olga Kurilenko s’en sort un peu moins bien, avec un jeu qui manque parfois de naturel, mais qui arrive malgré tout à tenir son rôle de scientifique qui derrière cette façade lumineuse cache un traumatisme lié à son enfant. Le plus gros problème de Vanishing vient de son manque de développement. Sa courte durée (moins de 1h30) dessert un peu le film. Il ne développe pas assez certaines thématiques qu’il aborde, ni même réellement ses personnages et son final est clairement trop précipité. Il ne travaille également pas assez son ambiance et on aurait aimé qu’il soit un peu plus poisseux, un peu plus tendu et nerveux pour nous scotcher un peu plus à notre fauteuil. En contrepartie, le rythme ne laisse que peu de temps à l’ennui car le scénario va se dérouler sans réel accroc et au final, si on pèse le pour et le contre, la balance penche pour le pour.


Bien qu’il manque d’audace et de punch comparé au reste de la production coréenne, Vanishing est un thriller vraiment pas désagréable, à l’ambiance froide réussie, qui compense son manque de profondeur par un bon rythme et un bon casting.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-vanishing-de-denis-dercourt-2021/

cherycok
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le 20 oct. 2022

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