La curieuse et la nuit

"Variety", c'est l'histoire dans les années 80, de Christine (Sandy McLeod), une jeune femme qui trouve un job de caissière au Variety, un cinema porno de New-York du côté d'Union Square, et que l'ennui dans sa vie rend curieuse. Au début elle est plutot indifférente au manège des rares clients que l'on perçoit, sous son regard, lointains et abstraits. Un jour, alors qu'elle vient de perdre 25 cents dans un distributeur de coca défectueux dans le hall du cinéma pendant sa pause, un homme dans la cinquantaine lui offre par surprise le coca qu'elle n'a pas eu. Puis on apprend que son petit ami est plus attiré par ses enquêtes journalistiques en cours que par elle-même. Elle passe ainsi la plupart de son temps à se promener dans ce quartier de New-York, plein de boutiques aux néons criards, vantant le sexe et les femmes faciles.

Quand l'homme du Coca, se repointe, il insiste pour lui offrir une soirée à une finale de base ball avec la promesse que son chauffeur la racompagnera. Elle accepte. Durant ce trajet vers le stade, ils discutent entr'eux. Elle apprend qu'il se prénomme Louis. Pendant le match, Louis s'éloigne pour échanger avec un inconnu sans plus la rejoindre. Elle décide de rentrer chez elle par ses propres moyens.

A partir de ce jour, sa curiosité sur cet homme étrange et aisé s'aiguise. Elle n'aura de cesse de chercher qui il est et va commencer à le suivre discrètement lorsqu'elle retombera sur lui par hasard. Elle le suit la nuit jusqu'à un restaurant, dans un marché aux poissons, visitant des casinos hors la ville. Son petit ami lui suggère même qu'il doit travailler pour la mafia. Peu à peu, Christine s'emprègnera de ce monde nocturne et particulier. Elle en viendra plus tard lors de ses rencontres avec son désespérant petit ami à déclamer des bouts de fictions érotiques de plus en plus osés qui occupent sa tête. Et quand la tension monte, on s'inquiète pour cette curieuse qui prend si peu de précaution dans sa quête. Où cela va-t-elle la mener ?

La musique jazzy de John Lurie (Down by law et Stranger than paradise entr'autres) tout le long installe une atmosphère vraiment plaisante, à point entre le film noir et le thriller tranquille.

La prise de vue est carrée, beaucoup de plans fixes. Visiblement tourné en 16mm avec une caméra à tourelle (genre 25, 50, et 75mm), le réalisme des scènes en lumière naturelle est réussi. Les images de nuit à New-York transpirent le cliché éternel de cette ville, même si ce rendu n'a pas nécessairement été voulu. (New-York modèle les films qui y sont tournés, ce ne sont pas les films qui font New-York)

Au cinéma, dans les années 80, c'était les femmes que les réalisateurs suivaient. A cette époque, elles étaient les phares des salles obscures. C'était un cinéma d'hommes.

Là, en plein dans cette époque de réveil d'une amérique nouvelle, ce film de femme (Bette Gordon au scénario et à la réalisation) pourrait nous montrer le point de vue inverse: C'est la femme qui cherche à savoir ce qu'est ce monde d'hommes, de rendez-vous et de poignées de mains incessantes. il y a un réseau, c'est pas possible, ils se connaissent tous ...

Un des premiers films de la période contestation féministe américaine dans le mode fiction, une réussite dans le cadre de cette démarche.