Revenu de ses derniers films indignes de lui («La cité de la joie», «La lettre écarlate» et «Goodbye Lover»), Roland Joffé retrouve la grâce de sa Palme d'Or «Mission» et offre un rôle salvateur au télégénique Gérard Depardieu.

Le film qui ouvre le Festival de Cannes est toujours très attendu. Cette année, les festivaliers peuvent se régaler d'un somptueux banquet royal concocté par une équipe européenne très inspirée.
Le film raconte les trois jours et trois nuits du festin offert par le Prince de Condé (Julian Glover) dans sa propriété au Roi Louis XIV (Julian Sands) et à toute sa cour de Versailles. Grâce à son sens du spectacle grandiose, l'intendant de Condé, François Vatel (Gérard Depardieu) réussit à éblouir Sa Majesté. Tous les invités viennent le voir pour lui demander une faveur, un conseil ou, au contraire, pour se railler de lui. On le suit dans les minutieuses préparations de son chef d'œuvre. Il dirige une armée de domestiques. Il est attiré par Anne de Montausier (Uma Thurman), la favorite actuelle du Roi que le Marquis de Lauzun (Tim Roth) cherche à posséder à n'importe quel prix. Mais, au soir du troisième jour, le poisson commandé n'arrive toujours pas et il en va de l'honneur de Vatel.
Pertinemment, Joffé nous fait assister au spectacle tout en nous introduisant dans les coulisses de cette gigantesque fête. Des effets de caméra subtile et un montage malicieux et élégant nous font passer du décor à son envers. Comme l'on suit Vatel dans tous ses faits et gestes, on devient les témoins privilégiés de ce monde oisif et hypocrite. Entre deux porte, on surprend une conversation concernant la politique guerrière de Condé qui cherche à obtenir le commandement d'une campagne contre les Hollandais, un commérage entre deux suivantes, ou une méchanceté à l'encontre de l'un des invités. Pour matérialiser ce climat de rumeurs sous-jacentes et de jeux d'esprit, Joffé opte pour une mise en scène qui joue sur deux tableaux Sa caméra est solennelle quand il faut restituer la folie des grandeurs de Vatel. Elle prend alors la place du projecteur de la salle de cinéma et nous donne à voir ce qu'elle enregistre, comme si elle le commentait. . Mais elle sait se faire discrète quand il s'agit de surprendre, d'épier, de guetter. Elle devient un personnage invisible qui invite le spectateur à la suivre dans ses déambulations de curieuse. Sa discrétion est telle qu'elle essaie de ne pas être présente lors du désespoir de Vatel, mais elle est rattrapée par l'image qui finit par l'éclabousser.
De son côté, Ennio Morricone, qui signe sa quatrième partition pour Joffé après «Mission», «Les maîtres de l'ombre» et «La cité de la joie», signe une musique entre faste et confinement qu'il traduit par l'utilisation d'une contrebasse espionne, accompagnant les pas feutrés des personnages dans les coulisses du spectacle.
«Vatel» donne enfin l'occasion à Gérard Depardieu de sortir de ses derniers téléfilms. Il endosse le costume de Vatel avec beaucoup d'humilité. Il ne tire jamais la couverture à lui. Au contraire, il se met au service de ses confrères comme son personnage sert les invités de son maître.
Au travers d'un banquet royal, «Vatel» se penche sur les futilités d'une époque qui rappellent la nôtre par bien des aspects.
RemyD
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le 16 oct. 2010

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RemyD

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