Vermines fait partie de ces films que j’aborde avec une vraie curiosité mêlée d’un soupçon de méfiance. Curiosité, parce que le cinéma de genre français me semble toujours sous-exploité, et qu’un film d’horreur avec des araignées géantes en huis clos dans une tour d’immeuble, c’est une promesse en soi. Méfiance, parce que je sentais déjà venir la dimension sociale plaquée, la volonté de dire quelque chose sur la banlieue sans réellement l’habiter.
Et pendant un bon moment, j’ai eu envie d’y croire! J'ai d'ailleurs été conquis les premières minutes et je lui pardonnais bien des écarts.
La mise en scène est franchement impressionnante pour un premier long métrage. Sobre, tendue, respectueuse des codes du genre sans jamais tomber dans l’imitation bête et méchante. Il y a une vraie intelligence dans la manière d’utiliser l’espace, l’immeuble devient un personnage, un labyrinthe oppressant, jamais redondant. La tension monte de manière organique, et j’ai retrouvé par moments des sensations proches de celles que m’avait laissées "La Horde" il y a des années. Les trois premiers quarts du film tiennent la route. On est bien, dans un entre-deux, entre horreur à l’américaine et contexte très français.
Pour continuer sur le positifs, les effets spéciaux sont réussis. Les araignées sont crédibles, suffisamment bien intégrées pour qu’on oublie parfois qu’elles sont numériques. Ça ne tire jamais vers le cheap, ça ne fait pas rire involontairement et ça, c’est déjà beaucoup et très loin d'être à la porter de n'importe qui. L’ambiance est crade sans être racoleuse, les sons sont pesants, et le film arrive à maintenir un vrai sentiment de menace. Franchement, en termes de pur savoir-faire ciné, y a du respect à avoir.
Mais voilà, très vite, la façade commence à craquer. Le premier mur sur lequel je me suis cogné, c’est celui des personnages. Ils sont soit antipathiques, soit plats, soit caricaturaux. On a du mal à s’attacher, à ressentir quoi que ce soit pour eux, parce que tout sonne faux dans leur comportement, dans leurs dialogues, dans leur dynamique de groupe. On sent bien que le film voudrait nous faire entrer dans une communauté en crise, mais il ne prend jamais le temps de construire de vraies individualités. Aucune mort n’émeut, aucune relation n’existe, et même dans les moments les plus tendus, on reste à distance, presque spectateur d’un jeu de rôles qui ne prend pas.
Je suis pourtant assez généreux sur les défauts dans les films d'horreurs, mais là, c'est trop criant, je suis navré c'est beaucoup trop.
Sans oublier qu'il y a ce ton globalement bancal, entre réalisme social et fable horrifique. L’idée d’une métaphore, les araignées comme symbole de la marginalisation, de l’abandon ou du pourrissement du lien social, aurait pu être intéressante… si elle n’était pas aussi mal amenée, maladroite, voire presque condescendante. Parce que franchement, la vision de la banlieue que propose le film tient plus de la réalité alternative fantasmée par des bobos mal renseignés que de l’expérience vécue. C’est une soupe d’images stéréotypées, de postures surjouées, de clichés sociétaux recuits dans une sauce pseudo-symbolique. À force de vouloir en dire trop sans vraiment le penser, le film se perd dans une sorte de folklore urbain creux, qui dessert totalement le propos.
C’est d’autant plus frustrant que la fin vient enterrer ce qui fonctionnait au départ. Là où on pouvait encore espérer un final tendu, minimaliste ou viscéral, le film verse dans l’excès, la surenchère, le “trop” mal maîtrisé. La tension se dissipe, les enjeux deviennent flous, les ressorts émotionnels ne prennent plus. Je me suis retrouvé à décrocher peu à peu, en me disant que cette promesse de film d’horreur sobre et redoutable avait été sacrifiée sur l’autel d’un message mal ficelé.
Vermines, c’est donc un film qui m’a autant donné envie d’y croire qu’il m’a frustré. Une proposition audacieuse, visuellement maîtrisée, parfois brillante dans sa construction, mais qui se plante dès qu’il s’agit de creuser ses personnages ou d’assumer sa portée sociale. Il aurait gagné à rester ce qu’il faisait bien, un survival urbain à l’ancienne, sec, nerveux, claustrophobe. À vouloir être à la fois film de genre, métaphore politique et chronique sociale, il se prend les pieds dans sa toile.