Vice
7.1
Vice

Film de Adam McKay (2018)

En plein dans la série « Succession », mais surtout après « Une Légende Vivante » et « The Big Short », Adam McKay se replonge dans une nouvelle comédie politique qui révèle les coulisses d’un système qui possède des failles, aussi bien dans la structure que dans les relations humaines. Le pouvoir pousse à la perversion et au jeu de l’opportunisme sur la chaîne alimentaire. Mais le sujet a beau être sensible, McKay n’en détourne pas moins les codes de l’humour afin de servir son propos, fluide de sens et d’intérêt. De la vie d’un seul homme énigmatique, il parvient à nous rapprocher d’un personnage odieux dans l’âme, mais qui n’égare pas pour autant son humanité, si ce n’est lorsque sa rigidité est soumise au doute. Et tout le travail du réalisateur est à souligner, car de nombreux éléments du récit se révèlent justifiés par des conséquences dont le spectateur connaît au moins les grandes lignes. Mais savons-nous réellement en quoi consistaient les successions de pouvoir ou bien en quoi consiste ce pouvoir entre les mains d’hommes de l’ombre ?


Dick Cheney ne constitue pas la première ni la dernière des ressources controversées sur la scène politique Américaine, mais ce qui est important d’illustrer reste les cicatrices de son passage au pouvoir exécutif. Mais avant cela, son ascension est exposée avec rigueur, car le marginal qui a grandi au Wyoming s’est bien forgé des ambitions à la hauteur des pouvoirs qu’il acquerra lentement et efficacement. Cette légende y a donc investi énormément, mais ce sera sans compter sur l’appui moral et physique de sa femme, Lynne Cheney (Amy Adams), partisane d’une machination initialement synonyme de réussite et d’excellence. Le métamorphe Christian Bale interprète donc cette homme, imposant dans le cadre comme jamais, car on ne voit que lui et on écoute que lui, ceci même à travers le discours d’autres protagonistes. Il réussit à assimiler son entourage à ses ressources dont il finira par exploiter, au profit d’une nation qui a baissé sa garde.


Le célèbre Républicain, soulève toute la satire et l’ironie à son égard et au système qu’il modifie à as guise. Le pouvoir absolu peut en effrayer plus d’un, mais c’est souvent au stade de faits que l’on propose une alternative, une nouvelle formulation des actes. L’invasion de l’Irak constitue alors le support idéal afin de dénoncer ce que même la corruption n’a pas eu à démontrer. Le parallèle avec le pouvoir actuel est diaboliquement mis en scène, car tantôt frontal et tantôt subtil, on viendra forcément titiller l’état d’esprit de l’Américain qui aura souffert à un moment donné dans sa vie, pour les caprices d’une créature avide de cruauté et de contrôle sur le citoyen. Un passage dédié à ce détail ne peut tromper, mais il s’agit d’un jeu psychologique où le dernier debout aura le dernier mot et la part la plus précieuse du gâteau. Lorsqu’on constate son affiliation avec George W. Bush (Sam Rockwell), il n’y a pas de doute possible quant à ses projets de conquêtes, car il est le marionnettiste derrière le doute du chef d’État, qui écope toujours de la critique la plus salée, derrière le téléviseur.


C’est donc dans un montage nerveux qu’on explore la psyché de Dick. Les métaphores se succèdent, laissant paraître ses intentions ou ses motivations démoniaques. Il s’agit d’un pêcheur qui pose ses hameçons sur différents fronts jusqu’à ce que la proie idéale lui tombe sous la main. Il patiente ainsi et attend le dernier moment pour montrer ses crocs. Mais dans son marathon administratif sans concessions, il héritera d’un menu trop copieux pour qu’il en digère tous les aspects et les conséquences. L’homme a ses limites, là où le pouvoir n’en a pas, c’est bien connu. Plus qu’un homme d’entreprise, il pèse le poids des drames qui ont suivi son départ anticipé, alors que le malheur le rattrape lui et sa famille. Le sacrifie n’est pour lui qu’une justification qui est logiquement mis en avant, à l’image de Donald Rumsfield (Steve Carell) dont le sourire s’efface peu à peu de l’écran.


Sous les traits d’une tragédie, la duperie n’est jamais très loin de la comédie et c’est ainsi que McKay adore conter ses récits épiques. La trame de « Vice » soutient pourtant un discours pacifique, mais la passivité n’est pas au rendez-vous, car un loup qui dort se révèle parfois être un renard qui observe avec un œil de lynx. Cheney est donc cette chimère qui a conquis l’Irak par son opportunisme particulièrement intensif et dont les conséquences seront discutées par la suite. On effectue une mise à jour instructive dans les hauts rangs d’une puissante nation, qui admet pourtant un échiquier plein de ressources. Si l’exercice du précédent long-métrage du réalisateur pouvait diviser, il se peut donc bien qu’il regroupera du monde autour de cette table ronde, critiquant avec pertinence l’abus de pouvoir et ses étendues à travers les pensées ou les actes d’un homme trop ambitieux.

Cinememories
8
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le 17 févr. 2019

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